L'ICOFOM, Comité international de l'ICOM pour la muséologie, présidé par François Mairesse, organisait, du 9 au 11 juin dernier, à la Sorbonne, à Paris, un colloque international intitulé "Définir le musée du XXIe siècle". Les participants à ce colloque purent bénéficier d'un ouvrage important contenant une documentation très complète sur les différentes définitions actuelles du musée ainsi que l'ensemble des contributions aux débats:
François Mairesse (coordination), Définir le musée du XXIe siècle - Matériaux pour une discussion, Paris, ICOFOM, 2017, 308p.
On peut se demander s'il est raisonnable de vouloir définir à nouveau le musée, surtout pour tous les musées, dans toutes les pays, toutes les cultures et toutes les langues. D'autant plus que le musée est une institution qui peut prendre des formes très différentes à l'intérieur d'un même pays, d'une même ville, d'une même discipline. C'est pourquoi j'ai peur des définitions, car elles ferment et excluent, surtout lorsqu'elles ont une valeur normative.
Mais l'exercice est intéressant, précisément parce qu'il prouve clairement la fluidité d'un concept qui s'exprime très différemment selon qu'on le regarde d'un point de vue juridique (celui du législateur), professionnel (celui du muséologue, conservateur, curator) ou politique (celui du citoyen.
Je me pose plus particulièrement des questions à propos de deux approches qui font l'objet de points de vue et de commentaires dans ce recueil de textes et qui apparaissaient bien dans certaines des interventions que j'ai pu entendre (je n'ai participé que le premier jour):
1. L'entrée en lice du numérique et des technologies de l'information et de la communication (TIC) depuis la fin du XXe siècle a entraîné automatiquement une volonté, de la part des professionnels de musée, d'adapter leurs méthodes et leurs pratiques à ces nouveaux outils. Mais est-il encore nécessaire d'aller au musée et de voir les "choses réelles" qui composent collections, expositions et réserves ? Pourquoi faire la queue aux guichets, se plier aux horaires d'ouverture, cligner les yeux pour lire des cartels sommaires, si l'on peut jouir de toutes les richesses des musées dans son fauteuil et zoomer à loisir ? S'agit-il de la même démarche ? L'utilisation des TIC suffit-elle à faire sortir le musée de ses murs ? à rendre accessibles au plus grand nombre les choix et les commentaires faits par des spécialistes ?
2. Il semble bien que, même au XXIe siècle,tout musée doit être organisé autour d'une collection publique, permanente et inaliénable. Ce qui voudrait dire que toutes les formes de musée qui ne comprennent pas de collections répondant à ces trois caractéristiques doivent être exclues de l'appellation musée. Comme le disait Jean Chatelain, directeur des musées de France en 1972 à propos de ce qui allait devenir l'écomusée du Creusot-Montceau, "un musée sans collection n'est pas un musée". Mais alors que sont ces organismes qui font des inventaires participatifs du patrimoine vivant de leurs territoires, qui réalisent des cartes communautaires, qui constituent des collections dites écomuséales à partir du patrimoine commun des gens, qui présentent le patrimoine local au long de parcours balisés et commentés, et qui revendiquent quand même le nom de musée ?
Ne serait-il pas plus sage de dire qu'un musée est un projet de gestion patrimoniale parlant le langage des choses réelles au service de la société ? et laisser chaque responsable ou créateur de musée, public ou privé, inventer sa propre formule, ouverte ou fermée, participative ou non, généraliste ou spécialisée, en fonction du contexte local, des moyens disponibles et d'objectifs réfléchis ?
Quant aux collections scientifiques et aux trésors hérités du passé, ne pourrait-on leur donner des appellations et des statuts différents, plus fermés et plus protecteurs, répondant aux besoins des chercheurs et des amateurs éclairés ?
NB. Je ne parle évidemment pas ici des grands musées d'art qui doivent acquérir, conserver et présenter des oeuvres exceptionnelles appartenant au patrimoine de l'humanité et qui font partie intégrante du prestige et de l'économie touristique de leurs pays respectifs.