Que dire à mes amis, collègues et lecteurs pour la nouvelle année ? Qu’elle soit bonne et heureuse, naturellement. Qu’elle soit meilleure que la précédente, évidemment. Mais tout ça est bien banal et convenu, et ça ne sert pas à grand-chose.
Je préfère cette fois faire autrement, et vous inviter, tous et chacun, à deux démarches, d’abord rechercher dans l’année passée ce qu’elle a de positif ; ensuite prévoir de maintenir et de développer ces acquis constructifs.
Qu’ai-je noté de positif et de constructif dans cette année 2020 qui a été difficile, ou même dramatique pour beaucoup ?
- j’ai eu du temps et j’ai pris le temps pour faire des choses qui paraissaient impossibles auparavant : ranger et mettre en ordre, apprendre et plus ou moins maîtriser de nouvelles techniques, réfléchir à de nouvelles manières d’exprimer mes idées. Peut-être en avez-vous fait autant, pour être prêts à créer un nouveau désordre créatif en 2021 ?
- la stabilité des périodes de confinement, la réduction de mon périmètre d’activité m’ont obligé à regarder mieux et plus en détail mon cadre de vie et mes relations avec les autres ; mon territoire est plus petit, mais je peux le connaître mieux. Avez-vous en la même impression de calme et d’approfondissement, de redécouverte de la lenteur ?
- ma consommation, comme celle de bien d’autres, à changé, en quantité comme en qualité : un équilibre a commencé à s’établir entre une mondialisation souvent indispensable et porteuse de progrès, et une attention aux ressources et aux potentiels du voisinage, de l’échange. Les témoignages sur ces nouveaux comportements se multiplient et laissent espérer une contagion imaginative et créative.
- la permanence et la densité de l’information sous toutes ses formes, ses manifestations les plus douteuses et ses conséquences sur le moral et sur les réactions des gens ont aiguisé mon esprit critique et m’ont obligé à faire des choix dans les opinions émises et reçues, pour acquérir une certaine patience et un sens de la futilité du court terme. Manifestement, les abus constatés et leurs conséquences souvent dramatiques sont en train de faire comprendre les limites de la liberté d’expression.
- de très nombreux projets « hors les murs », utilisant soit l’espace libre dans les villes comme dans les campagnes ou dans la nature, soit des moyens techniques et ludiques de communication, à partir d’institutions telles que les musées, surtout ceux de type communautaire ; ces projets pouvaient être culturels, éducatifs, solidaires, sportifs… On retrouve la dynamique de l’initiative locale, surtout collective, comme réponse à la nécessité.
- la rencontre, certes virtuelle mais très vivante, de tant de gens passionnants et passionnés appartenant à mon environnement professionnel que je n’aurais jamais pu rencontrer dans le monde d’hier, parce que les moyens de voyager et de se rencontrer physiquement étaient si limités, pour eux comme pour moi.
Ce dernier point est certainement, à mon avis, le plus important pour beaucoup. Je me souviens du temps où je devais, par obligation professionnelle, organiser de nombreuses réunions chaque année, et participer à des quantités de rencontres organisées par d’autres, au plan national ou international. Toutes ces réunions étaient formelles et réservées à des privilégiés qui avaient le droit et les moyens de participer. L’année dernière, brusquement, les obstacles ont été levés, par d’innombrables initiatives spontanées, informelles ou formelles, ouvertes sur le grand large, qui attiraient et faisaient s’exprimer des personnes qui autrefois seraient restées isolées sur leur lieu de travail.
Je pense que nous pouvons tous, en fonction de notre situation et de la manière dont nous avons vécu ces mois imprévus et compliqués, faire cet inventaire de ce que nous avons gagné, intellectuellement, pratiquement, dans notre vie personnelle et professionnelle, et que nous aimerions conserver pour l’avenir.
Car il va falloir maintenant travailler pour que ces acquis soient durables, et même soutenables, qu’ils deviennent des facteurs de mieux-être et de mieux-faire. Il ne faudra pas essayer de revenir à des pratiques anciennes sous prétexte que « c’était mieux avant ». Il faudra aussi résister à la croissance à tout prix.
Et cela, je crois, de deux manières :
- faire reconnaître et généraliser non seulement les nouvelles méthodes et les actions innovantes, mais surtout les faire passer du provisoire et de l’expérimental au définitif, pour les amener progressivement à se substituer aux anciennes pratiques ;
- aider et accompagner tous ceux, individus, groupes ou institutions, qui auront souffert des changements professionnels, économiques et sociaux qu’ils n’auront pu maîtriser et auxquels ils n’auront pu s’adapter. Même si des milliards ont été dépensés, à juste titre et dans tous les pays, pour compenser autant que possible les pertes matérielles et morales subies du fait de la pandémie et de ses conséquences directes et indirectes, rien de remplacera jamais le rôle que chacun d’entre nous peut avoir pour aider nos semblables à vivre et à accepter les transformations qui s’imposent à nous tous.
En tout cas, très bonne année 2021 !