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22 novembre 2022 2 22 /11 /novembre /2022 10:11

La déclaration de Santiago est restée dans la mémoire des professionnels du musée et du patrimoine comme ayant mis en avant la notion de "musée intégral", ou intégré dans la société, non pas la Société en général, mais  bien la société à laquelle appartient l'institution, sa collection, ses moyens humains et matériels. C'est à dire que le musée, ou toute structure publique et privée de gestion du patrimoine commun, est, devrait être ou devrait devenir un acteur du territoire au service de la communauté.

Mais la société change et se transforme, avec le temps et le passage des générations. Ses besoins, ses demandes, ses goûts évoluent naturellement. Des évènements prévisibles ou imprévus, intérieurs ou extérieurs à la communauté, changent les données culturelles, sociales, climatiques, économiques qui doivent être prises en compte dans les décisions d'intérêt général. Par conséquent, les politiques du patrimoine (naturel comme culturel) et toutes les institutions qui en dépendent doivent changer et se transformer pour accompagner au plus près la société dans la durée. Sinon ces politiques et ces institutions risquent de perdre à la fois leur pertinence et leur légitimité.

Or, depuis cinquante ans, si l'esprit de Santiago demeure vivant et pertinent, le monde et nos sociétés ont beaucoup changé et des changements encore plus considérables sont à venir. Sans vouloir me lancer dans une analyse socio-politique pour laquelle je ne suis pas compétent, je voudrais commenter rapidement trois termes qui me paraissent indiscutables et incontournables, tant pour refléter ce qui s'est passé depuis Santiago que pour être prêts à nous adapter à ce qui va nous arriver, quels que soient notre pays, notre culture, nos choix stratégiques, ou l'avenir de nos territoires.

Ces trois termes sont les suivants: globalisation, territorialisation, patrimonialisation.

 

Globalisation

 

La culture, qu'elle soit élitiste ou populaire, suit des modèles plus ou moins internationaux, inspirés par les modes et les pratiques des pays et des populations qui ont atteint un haut niveau de prospérité, de confort, de qualité de vie. Ce haut niveau devient un besoin, voire une obsession, qu'il s'agisse de loisirs, de consommation, de mobilité. Des valeurs dites universelles (droits humains, démocratie, liberté, etc.) sont promues par la plupart des pays et des organisations internationales, gouvernementales ou non, qui représentent un consensus mondial, même lorsqu’elles sont contestées par certains pays ou certains régimes.

Le patrimoine culturel et naturel, matériel et immatériel, étiqueté national et même mondial, est soit respecté et préservé comme un capital inaliénable de l'humanité, soit attaqué pour des raisons idéologiques ou religieuses, soit dispersé commercialement au profit des collectionneurs publics et privés. Mais là encore, il y a consensus sur la valeur patrimoine, avec son double sens de valeur culturelle et de valeur matérielle. Cette valeur est tellement reconnue qu'elle fait l'objet, depuis longtemps et semble-t-il de plus en plus, d'un marché également globalisé d'échantillons minéraux, d'objets archéologiques, d’œuvres d'art, alimenté par des fouilles clandestines, des conflits locaux et des vols et encouragé par la passion ou l'obsession des collectionneurs, qu'ils soient amateurs, spéculateurs ou malheureusement responsables de musées.

Les flux touristiques, devenus une caractéristique et une nécessité des sociétés d'abondance et des classes riches et moyennes des sociétés "émergentes", exigent toujours plus de conditions d'accès et de jouissance, de services et de confort selon des normes et des environnements identiques partout. Il sont aussi, pour de nombreux pays riches en patrimoine, une ressource économique globale qui peut tendre à remplacer d'autres types d'activités traditionnelles ou simplement moins rémunératrices.

La pandémie actuelle, elle aussi globale, et ses conséquences pour les relations entre les humains, la multiplication et la poursuite de conflits, les crises qui se succèdent, l'impact des changements climatiques sur les conditions de vie de millions d’individus ont créé un sentiment général (et global) d'insécurité et de précarité qui favorise non seulement la recherche d'un avenir différent et de technologies efficaces, mais aussi un retour au passé, notamment par un ancrage rassurant dans le patrimoine personnel et collectif.

 

Territorialisation

 

Le global, sous ces diverses formes, échappe à la compréhension et au pouvoir d'agir de la plupart d'entre nous et même des communautés auxquelles nous appartenons, même s'il conditionne ou influence malgré nous notre mode de  vie. En réalité, et Santiago l'avait bien compris et exprimé, c'est le territoire, ou plutôt les territoires auxquels nous appartenons que nous pouvons maîtriser collectivement et c'est à son niveau et à son échelle que la plupart d'entre nous peuvent avoir un rôle actif, une utilité sociale.

Le territoire est le lieu de la vie sociale et de l'action collective/communautaire, qu'elles soient de la famille, du village ou du quartier, de l'entreprise, de l'association ou du syndicat, de l'école. C'est une réalité multiple et multiforme, qui pratique une culture vivante, évolutive, ouverte sur l'extérieur mais consciente de ses racines et capable de créativité.

Le territoire contient une mémoire collective et des mémoires particulières, elles-mêmes vivantes et susceptibles d'oublis et de choix, ou même de changements d'interprétation. Il contient un patrimoine, aussi vivant que la culture locale, c'est un "commun", une propriété collective.

C'est le cadre du développement local, où toutes les énergies et les ressources disponibles peuvent être inventoriées et mobilisées selon des stratégies et des programmes que l'on veut soutenables, c'est à dire à la fois dynamiques et raisonnés, associant et combinant les dimensions environnementale, sociale et économique de la vie des citoyens, qui sont en même temps héritiers, usagers et parties-prenantes de leur(s) territoire(s).

 

Patrimonialisation

 

Pendant ces cinquante années et même un peu plus car nous devons tenir compte de ce que l'après-guerre et la décolonisation nous ont apporté comme changements de regard et de statuts pour nous-mêmes et chez nos voisins proches ou lointains, un triple phénomène est apparu et a pris une place de plus en plus importante dans les politiques publiques et les pratiques sociales, sous le nom de patrimoine qui recouvre des sens et des manifestations très différents.

Il y a le patrimoine personnel, familial qui se transmet en principe de génération en génération et dont une part au moins peut avoir une valeur extra-familiale, ne serait-ce qu'au sein de la communauté d'appartenance et du territoire (traditions, savoirs, habitat, propriétés participant de l'économie commune...). Il est très vivant dans la mesure où il se perd et se crée, en fonction des goûts, des modes, des variations de l'économie familiale.

A l'opposé, on trouve le patrimoine reconnu pour sa valeur universelle, dont les catalogues les plus connus sont les listes de l'UNESCO, mais aussi les inventaires des collections publiques des musées. Cette énorme masse de biens naturels et culturels, matériels et immatériels est en principe protégée, conservée, mise en valeur par des législations spécifiques et des institutions dédiées, nationales et, depuis exactement cinquante ans (Convention UNESCO de 1972 et ses déclinaisons ultérieures), internationales. Ce patrimoine "officiel" est, de fait, retiré à la responsabilité des citoyens, des communautés, et même des petites collectivités locales. Il est étroitement lié, depuis plus de cinquante ans, à l'essor du tourisme avec lequel il est en symbiose: le "grand" patrimoine est un facteur de soft power et d’attractivité des États, tandis que les flux économiques du tourisme financent directement ou indirectement la protection du patrimoine.

Enfin, depuis une cinquantaine d'années également, est apparu le nouveau concept de patrimoine vivant. Il recouvre, partout dans le monde, tout ce que les citoyens et les communautés reconnaissent comme "leur" patrimoine, dont ils souhaitent garder la responsabilité et la propriété individuelles et collectives, au nom de critères affectifs, de sa valeur d'usage et de son appartenance au territoire. Il fait l'objet, de plus en plus, d'initiatives individuelles et surtout collectives, émanant de la communauté ou de certains de ses membres, prenant la forme d'associations, de manifestations spontanées de défense et de mise en valeur, ou encore d'institutions privées ou publiques locales, musées de communautés, de territoires, écomusées, etc. Il ne s’agit pas ici de le protéger et de le mettre à l'abri pour une meilleure conservation, mais d'en prendre soin et de le maintenir au service de la communauté et de ses membres, de façon soutenable et évolutive. C'est donc une gestion participative et responsable du patrimoine.

 

*

 

Il me semble que les gestionnaires du patrimoine, s'ils veulent profiter et s'inspirer de l'esprit de Santiago, sans cesser de remplir leurs missions d'inventaire, de collecte, de conservation, de présentation et d'éducation selon les principes de leurs professions respectives, devraient plus s'attacher à une connaissance concrète et approfondie du monde actuel et de leur environnement immédiat, dans toutes leurs dimensions et dans leur évolution dans le temps, pour être en mesure d'assumer leur rôle d'acteurs et de serviteurs de la société et de sa transformation, en tant que gestionnaires dynamiques du patrimoine dont ils ont la charge. C'est un autre sujet, celui de la co-responsabilité des acteurs du patrimoine,  qui n'a pas été suffisamment approfondi à Santiago et depuis.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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6 février 2022 7 06 /02 /février /2022 16:16

Novembre 2022. Je retrouve dans mes brouillons ce petit texte que je n'avais pas envoyé en février dernier. Mais comme le sujet reparaît actuellement, je le publie, à tout hasard.

 

La presse nous raconte, depuis quelque temps, des histoires de conflits locaux, en Serbie ou au Portugal, sur des projets de mines de lithium dans des espaces agricoles ou naturels protégés. Au Portugal, il s'agit de Covas do Barroso, un espace du nord du pays où je suis intervenu sur la création d'un écomusée, mais il y a d'autres sites, comme celui de Argemela à Fundão, que je connais personnellement.

C'est un problème très intéressant, plus que bien des cas apparemment semblables, comme celui de Notre-Dame des Landes en France il y a quelques années. Sur l'extraction de minerais contenant du lithium, on se trouve devant un choix impossible entre deux positions:

- les agriculteurs défendent leur cadre de vie, leur activité professionnelle, leur patrimoine, tandis que les militants de l'environnement et les spécialistes de la soutenabilité du développement veulent sauvegarder l'avenir du paysage, la bio-diversité, et lutter contre toutes les sources de pollution...

- les sociétés minières, beaucoup d'élus locaux, les responsables régionaux et gouvernementaux du développement économique et de la transition énergétique ont un besoin vital de lithium pour assurer à la fois la production de véhicules électriques et d'outils numériques divers, tous indispensables aujourd’hui, et assurer une souveraineté industrielle menacée par un déséquilibre dans la répartition des sources d'approvisionnement.

Que penser ? Que décider ?

Sanctuariser le territoire, c'est garantir la continuité de l'évolution naturelle de la nature et de la vie, transmettre un espace que l'on a reçu et entretenu, en tant que "bien commun" de la communauté et de l'humanité, alors que l'on sait ce que l'activité humaine a causé de dommages irréversibles à la planète.

Utiliser une ressource minérale cachée, actuellement irremplaçable, pour rendre possible le passage de la voiture thermique à la voiture électrique, c'est contribuer à la décarbonation des moyens de transport, ce qui est un objectif majeur de la communauté internationale, qui impactera chacun d'entre nous.

Peut-on prendre une décision d’exploitation irréversible pour un résultat à court terme, alors qu'il sera peut-être un jour découvert un substitut au lithium ?

La détermination d'une petite population, éloignée des centres de décision et de faible poids électoral, peut-elle raisonnablement contrebalancer des intérêts politiques et économiques au niveau national et international ?

La récolte annuelle de quelques dizaines d'hectares agricoles est-elle équivalente à quelques milliers de voitures "propres" chaque année ? Mais avons-nous réellement besoin de ces voitures ? et de voitures aussi remplies d’appareils numériques fonctionnant avec du lithium ?

Un pays comme le Portugal, ou peut-être la Serbie, peut-il laisser passer une telle chance pour son avenir ? Et le territoire du Barroso (comme celui de la Cova da Beira), en perte de population et de jeunesse, peut-il négliger les milliers d'emplois directs et indirects résultant de l’exploitation minière ?

La décision est à prendre maintenant, mais, quelle qu'elle soit, elle aura des conséquences dans le très long terme.

Je n'arrive pas à choisir le parti qui me satisferait. Est-ce une forme de roulette russe ? Heureusement que je n'ai pas à donner mon avis, ni localement, ni nationalement. Mais la démocratie est-elle capable de traiter de ces enjeux ? Et où se situe la participation des citoyens au développement de leur territoorie ?

 

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23 juillet 2018 1 23 /07 /juillet /2018 15:02

J'ai suivi depuis trente ans, de loin ou de près, l'extraordinaire mouvement et les projets de l'association In Loco dans les territoires de la Serra d'Algarve, au Portugal, et plus particulièrement dans la Serra do Caldeirão. On connaît l'Algarve pour ses plages et ses résidences de tourisme, mais toute la chaîne montagneuse au nord de la bande littorale était restée largement ignorée des touristes comme des développeurs officiels. C'est un groupe de militants du développement local qui, à la fin des années 80, a obtenu l'aide de fondations et de l'Europe (notamment le programme Leader et de ses successeurs) et surtout mobilisé les énergies des habitants eux-mêmes et de leurs communautés villageoises et paysannes, pour répondre progressivement aux problèmes de développement social, économique, éducatif, environnemental et culturel de ces territoires.

Je viens de recevoir un appel à célébrer le 30° anniversaire de In Loco et surtout à préparer les nouveaux défis et les nouveaux enjeux qui se présentent. L'ancienne équipe, que je connaissais bien, menée par Prisciila Soares et Alberto Melo, a maintenant cédé la place à une nouvelle que je félicite et que je tiens à encourager dans les perspectives et dans les principes de développement qu'elle affiche dans la continuité de l'effort entrepris il y a trente ans.

Je retranscris ici intégralement le texte portugais de leur appel, car il peut donner envie d'aller plus loin, de consulter le site de In Loco et même d'aller voir sur place ce qui a été fait.

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Venham mais 30!

Desde 1988 a trabalhar para o Desenvolvimento Local e Cidadania

Neste ano em que a Associação In Loco celebra três décadas, é da mais elementar justiça fazer um agradecimento público da dedicação das muitas dezenas de colaboradores que se empenharam ao longo destes anos muito para além do seu dever, apoiando as pessoas e as comunidades locais envolvidos em processos de desenvolvimento sustentado suportado nos recursos materiais e imateriais do seu território. Este reconhecimento profundo é extensível a todas as entidades e organizações parceiras, formais e informais, desde o nível local ao internacional e sem as quais nunca teríamos conseguido concretizar a missão que nos motiva: Promover o desenvolvimento de base local com vista à melhoria da qualidade de vida nas suas múltiplas dimensões.

Para celebrar e retribuir de uma forma singela a confiança que tantas pessoas e organizações depositam em nós, iremos realizar até Agosto de 2019 um conjunto de eventos festivos por todo o território onde a Associação In loco tem uma intervenção mais intensa e próxima da comunidade. Iniciámos estas comemorações a 11 de Julho, em Silves, com a Universidade “Pensar Global Agir Local”, dedicada à produção alimentar. Siga no site www.in-loco.pt os próximos eventos, participe ativamente na sua organização e disfrute da sua realização.

Mas muito mudou nestes últimos 30 anos. Mudou a sociedade, mudaram as ferramentas, mudaram os atores locais e institucionais, mudaram as formas de organização e de intervenção. Por isso, é fundamental que a In Loco mude também, preparando-se e adaptando-se para dar pelo menos nos próximos 30 anos uma resposta ainda mais eficaz e eficiente aos desafios do passado e do futuro e a todas as oportunidades por descobrir e aprofundar. É nesse sentido que propomos implementar algumas estratégias de sustentabilidade:

  • Alargar a base de representatividade, convidando todos os que de alguma forma já foram envolvidos nas iniciativas da In Loco - e que se revêem na nossa visão de um mundo participado, solidário e sustentável - para se proporem como sócios e contribuírem com as suas ideias e energia para o aprofundamento e sustentabilidade deste projeto coletivo;

  • Disponibilizar ao exterior as competências e experiência acumuladas ao longo dos últimos 30 anos, reforçando a prestação de serviços técnicos e científicos à comunidade e às entidades em domínios como a gestão de projetos, estudos, processos participativos, turismo sustentável, dieta mediterrânica, animação local; desenvolvimento sustentável, educação e formação, intervenção social, entre outros;

  • Otimizar as instalações necessárias para uma equipa altamente profissionalizada mas de menor dimensão (20-25 colaboradores), adquirindo instalações melhor adaptadas aos requisitos atuais de espaço e recursos tecnológicos - preferencialmente no centro do Algarve - e alienando as atuais instalações do edifício-sede. Esta operação é igualmente fundamental para diminuir os custos da dependência bancária e aumentar a autonomia financeira indispensável para a realização de investimentos nos projetos nacionais e comunitários em curso ou aprovados;

  • Consolidar a dimensão regional e nacional de muitas das estratégias em curso, assumindo os papéis de mediação institucional e de dinamização de redes de cooperação, essenciais para ganhar escala, projeção e impacte;

Queremos continuar a ser uma “escola de cidadania” e uma plataforma de cooperação onde indivíduos e parceiros institucionais podem conjugar esforços para gerar sinergias e atingir resultados que superam as capacidades individuais.

Contamos contigo para os próximos 30 anos!


Pela Associação In Loco, a Direção,

Artur Gregório, Sandra Rosário, Nelson Domingues, Carla Barros, Vânia Martins

 

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Associação IN LOCO
Avenida da Liberdade, 101
8150-101 São Brás de Alportel
Portugal
Tel. 
(+351) 289 840 860 / (+351) 969 992 240
Fax. (+351) 289 840 879
http://www.in-loco.pt geral@in-loco.pt |  Registo de transparência da União Europeia nº 94248944915-04

 

 

 

 

 

 

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25 mars 2017 6 25 /03 /mars /2017 10:34

Cela fait longtemps que je n’ai rien mis sur ce blog. Mais depuis quelques mois j’ai accumulé des documents et des rencontres sur un même thème qui a deux entrées complémentaires : comment des gens divers construisent-ils une communauté et son cadre de vie sur un territoire ? et comment ces mêmes gens peuvent-ils intervenir sur les décisions politiques, administratives et techniques qui changent leur territoire, donc leur cadre de vie ?

Sur le premier point, je viens de visiter une exposition à l’écomusée du Val de Bièvre, à Fresnes, intitulée « Habitants et bâtisseurs de banlieue – 1955-1975 », fruit d’une coopération de trois ans entre la population de Fresnes, l’association des Amis de l’écomusée qui émane de cette population et l’équipe professionnelle de ce même écomusée qui est au service de la ville et de ses habitants. On y apprend comment des résidents venus de toute la France, d’Europe et de nombreux autres pays du monde ont, en vingt ans, transformé par leur présence, leurs activités, leur capacité d’adaptation aux changements du monde environnant, un village agricole d’Île-de-France en ville de banlieue de la métropole parisienne.

Cela m’a rappelé ce que j’ai vu au Brésil, dans les quartiers d’auto-construction à Brasilia, Rio, Porto Alegre ou Fortaleza, dans lesquels des “envahisseurs” venus des régions les plus pauvres avaient su construire leur ville et continuaient de la faire évoluer à partir de la force d’initiative d’habitants devenus urbains, qui n’attendent pas que les pouvoirs publics les aident ou les contrôlent, pour trouver eux-mêmes, collectivement ou coopérativement, des solutions à leurs besoins, ce qui est ma définition de la culture vivante.

Ou bien la petite région de Gemona dans le Frioul italien, où la population a joué un rôle déterminant dans la reconstruction de villes et de territoires ravagés par les séismes de 1976.

Cela me fait penser aussi au guide touristique du territoire de Plaine Commune, au nord de Paris, réalisé par Jacques Grossard et l’Association Mémoire de la Plaine : « Huit villes à découvrir en Île-de-France : Plaine Commune », où l’on voit à chaque page le rôle que les habitants, de toutes origines, ont joué depuis la préhistoire et jusqu’à aujourd’hui dans la création et l’évolution d’un ensemble urbain capable de survivre aux crises industrielles et politiques, comme aux changements technologiques imposés de l’extérieur.

Sur le deuxième point, c’est encore à Fresnes que j’ai écouté le 21 février une conférence et un débat sur l’utilisation de l’Inventaire général du patrimoine dans la planification et la décision sur l’aménagement urbain. Dans le même temps, je participe à une réflexion, dans la Communauté urbaine Le Creusot-Montceau sur l’opportunité de mobiliser la population et les associations sur les éléments de patrimoine à prendre en compte dans la préparation et l’adoption du Plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI). Car il ne suffit pas de protéger quelques monuments remarquables ou caractéristiques, mais il faut considérer tout le paysage et les diverses composantes du cadre de vie qui peuvent être regardés comme importantes par les habitants eux-mêmes.

C’est là qu’il faut faire intervenir l’éducation patrimoniale, telle que les Brésiliens l’ont conçue et la pratiquent : les habitants doivent prendre l’habitude de se sentir responsables de leur environnement paysager et construit et aussi de la maîtrise des changements que des facteurs extérieurs ou des autorités publiques leur imposent pour des raisons d’intérêt général. Il ne s’agit pas de conserver, mais de construire du nouveau sur de l’ancien, ce qui ne peut se faire sans la participation effective et consciente de tous.

Cette éducation patrimoniale passe, entre autres, par des méthodes telles que cette brochure que je viens de recevoir : “Tracce”, un guide produit par l’Ecomuseo del Paesaggio di Parabiago (Lombardie, Italie) pour faire connaître le territoire sous un grand nombre d’aspects anciens et modernes, selon une démarche 3.0, utilisant QR codes et internet, mais aussi les yeux et les pieds, et tous les sens des habitants. C’est le même principe que le « Descubre Murcia al Azar », qui fait de la même manière découvrir la ville de Murcie en Espagne, à l’initiative d’un architecte passionné de sa ville et de son territoire.

J’ajouterai seulement qu’il faut que les responsables du patrimoine, qu’ils soient professionnels ou militants associatifs, dans des musées, des écomusées, des institutions gestionnaires de monuments ou des militants associatifs, s’informent et se forment sur les politiques et les procédures de planification, d’aménagement du territoire, d’urbanisme, pour en connaître les vocabulaires et les principes, les acteurs et les calendriers, afin d’être à même d’agir et d’intervenir à bon escient, au bon moment, et efficacement, tant auprès de la population qu’auprès des collectivités publiques et des techniciens.

Les contacts :

www.ecomusee.agglo-valdebievre.fr

www.plaine-memoirevivante.fr

http://ecomuseo.comune.parabiago.mi.it

www.murciaalazar.com

 

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10 septembre 2015 4 10 /09 /septembre /2015 15:25
Le Cortejo do Linho, 6 septembre 2015
Le Cortejo do Linho, 6 septembre 2015

Je reviens de Fermentões, une petite ville de la banlieue de Guimarães, qui fut la première capitale du Portugal et en 2012 la capitale européenne de la culture. A Fermentões (7000 habitants environ), chaque année, on fête le premier week-end de septembre le Dia do Agricultor, avec défilés de bœufs et de tracteurs, un "cortège du lin", des concours de danse traditionnelle entre groupes de diverses villes du pays, etc. Cette année, on mettait en relief le Musée de l'agriculture, fondé il y a plus de trente ans par des habitants de la ville, emmenés par un artisan génial, Jerónimo Ferreira. Jerónimo est mort en février dernier, mais son œuvre et celle de ses amis continue, avec un nombre impressionnant de volontaires, de tous âges et de toutes professions. C'est un véritable musée communautaire, voulu, créé et animé par la population.

D'ailleurs, les défilés du Dia do Agricultor se faisaient avec des équipements et des objets prêtés par le musée: imagine-t-on un musée traditionnel faisant sortir ses plus précieux objets de ses vitrines pour aller défiler sur des kilomètres par 35° à l'ombre ?. On pouvait dire que ces journées de fêtes étaient un "musée sur roues", ou un musée dans la rue.

Le musée est installé dans une ancienne école, acquise par la ville lorsqu'une nouvelle école plus moderne fut construite il y a près de 40 ans. Il fait partie, pour sa gestion et son administration de la Casa do Povo, la Maison du Peuple, une institution sociale et socio-culturelle qui sert tous les âges et toutes les familles de Fermentões.

Scientifiquement, le musée est dirigé, à titre bénévole, par Maria João Vasconcelos, la directrice du grand Musée national Soares dos Reis, à Porto. Un comité directeur assure le suivi quotidien; il est animé par un frère de Jerónimo, Manuel Ferreira, ancien maire de Guimarães et ancien responsable de l'aménagement et du développement de la région environnante du Vale do Ave.

Si j'ai tenu à parler ici du Musée d'agriculture de Fermentões, c'est parce qu'il représente pour moi un exemple presque parfait de ce qu'est un musée local d'initiative et d'essence communautaire: un outil d'adaptation de la population au changement culturel, social et environnemental. Nous avons ici, sur un hectare environ, au centre d'un territoire à la fois rural et urbain, trois institutions totalement complémentaires:

- la Casa do Povo, qui est au service de tous et dont les professionnels sont souvent eux-mêmes des membres de la communauté,

- l'Ecole publique, qui enseigne les savoirs essentiels à la vie future et à l'avenir professionnel des enfants,

- le Musée qui enseigne l'héritage commun et la culture vivante, non seulement des anciens, mais aussi des habitants actuels, et qui est témoin actif des changements apportés au paysage, aux modes de vie.

Que le musée soit installé lui-même dans une ancienne école est plus que symbolique: il est une école pour tous, jeunes et adultes, enfants et vieillards, ruraux et urbains.

Cela fait trente ans que je suis l'évolution de ce musée, depuis ses premières années. J'ai vu la manière dont Jerónimo et ses amis ont rassemblé sa collection, l'ont présentée, ont associé de plus en plus de voisins et d'amis à tel ou tel aspect, à telle ou telle section. L'histoire du lin, de la plante à la commercialisation des produits, a été réalisée sous la forme de scènes montrant des poupées miniatures exécutant les gestes et utilisant les outils, ce qui est reproduit chaque année dans le cortège du lin, en vraie grandeur, sur la route et dans les rues.

Le musée va maintenant poursuivre son évolution. J'espère qu'il restera l'objet et l'outil de la communauté, que sa présentation même un peu modernisée, restera compréhensible et modeste, que l'important patrimoine en maisons, vignes, jardins, champs, si caractéristiques du paysage du Sud-Minho, sera de plus en plus reconnu et valorisé, comme Jerónimo avait commencé à le faire. J'espère aussi que des moyens seront trouvés pour refléter la composante industrielle de l'activité du territoire et la dimension de plus en plus urbaine de la vie quotidienne des gens.

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25 juin 2015 4 25 /06 /juin /2015 10:21
Une école populaire de tourisme communautaire

J'ai trouvé sur Facebook (merci João Paulo Vieira) l'annonce de cette formation qui me paraît un exemple d'initiative de "capacitation" de la ressource humaine des territoires, à partir du thème de tourisme de base communautaire. J'en ai fait une traduction sommaire pour en faciliter la diffusion.

Le projet "Réseau Tucum – Travail, Jeunesse et Territoire" est une initiative de l'Institut Terramar qui vise à renforcer le réseau Tucum (Rede Cearense de Turismo Comunitário) par une technologie sociale et productive stratégique pour la défense du territoire et des modes de vie et de travail, et pour l'exercice des droits des communautés traditionnelles de la côte, utilisant le potentiel de la pêche artisanale et de la diversité économique locale, et l'implication de la jeunesse

Contact : www.institutoterramar.com

Le 26 juin, c'est à dire demain, commence la seconde session de l'Ecole populaire de tourisme communautaire. Cette réunion se tiendra dans la communauté de Caetanos de Cima, commune de Amontada, sur le littoral ouest du Ceará. On y dialoguera directement avec la réalité de la communauté, qui est déjà membre du réseau Cearense de tourisme communautaire (Réseau Tucum). L'école est une initiative de formation de l'Institut Terramar, agréée au titre de l'éducation populaire, destinée aux jeunes des communautés de la zone côtière du Ceará.

Avec une participation prévue de 45 personnes de plusieurs municipalités de la zone côtière, les débats de cette session se concentreront sur les enjeux de communication et de gestion dans le cadre du tourisme communautaire. La journée de samedi est réservée pour une formation à la démocratisation de la communication, suivie d'un atelier de communication populaire, les deux étant modérés par la journaliste Camila Garcia.

Le débat sur la soutenabilité et les enjeux de la gestion du tourisme communautaire se déroulera le dimanche et sera animé par Aécio Oliveira, professeur d'économie à l'Université fédérale du Ceará, et par Rosa Martins, coordinatrice de l'Institut Terramar,. Il est également prévu, dimanche soir, une intervention des jeunes du 5° Centre culturel, qui présenteront des manifestations culturelles de la communauté.

L'Ecole populaire de tourisme communautaire veut qualifier la participation des jeunes aux processus productifs, organisationnels, culturels, sociaux et politiques des communautés, par une incitation à l'auto-organisation et par la capacitation de la jeunesse dans le domaine du tourisme communautaire et des activités qui lui sont liées. Pour cela on associe la formation politique et la formation technique, des innovations technologiques et des activités traditionnelles, la théorie et la pratique, dans un système d'alternance et de dialogue entre les générations.

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4 février 2015 3 04 /02 /février /2015 09:09

Au moment où, dans le monde entier, il est question de crises, de conflits tellement complexes que le citoyen moyen est incapable de prendre une position personnelle ou d'envisager des solutions, même à long terme, il est heureusement toujours possible d'intervenir sur notre cadre de vie, à notre échelle et avec nos moyens. Plusieurs informations récentes nous le confirment.

  • L'association In Loco (siège à Faro, Portugal) annonce le lancement d'une enquête dans tous ses réseaux, en vue de la définition d'une "stratégie de développement local de base communautaire en Algarve centrale". Sont concernés tous les "stake holders" (parties prenantes) de ce territoire. On leur demande de réfléchir et de fournir leurs propositions sur les "forces, faiblesses, opportunités et menaces" constatées au niveau des unités de voisinages (les freguesias), donc à un échelon inférieur aux municipalités. Voir: https://docs.google.com/forms/d/1UmHK8euajALwROttjcxNTOpkdMdkz22ZksrdDkqECBk/viewform
  • L'association NOPH (Nucleo de Orientação e Pesquisa Historica) et l'Ecomusée de Santa Cruz (un quartier de Rio de Janeiro) tiennent du 2 au 6 février, dans le centre culturel de Santa Cruz, un "Atelier international de Projet Urbain" avec tous les acteurs culturels, sociaux et économiques de ce territoire et la population elle-même. L'atelier est animé techniquement par l'Université fédérale de Rio de Janeiro et l'Université de Columbia de New York. Cette réunion fait suite à plus de vingt ans de travail de mobilisation communautaire dans ce quartier-ville de plus de 200.000 habitants. Contact: Odalice Priosti <owpriosti@gmail.com>
  • La Fédération française des écomusées et musées de société (FEMS) prépare son assemblée générale annuelle à Marseille du 8 au 10 avril prochain, sur le thème de la participation des habitants, ce qui signifie que ces musées locaux veulent de plus en plus associer les habitants à la gestion de leur environnement, de leur patrimoine et de leur cadre de vie, donc de leur développement soutenable. Voir le programme sur http://www.fems.asso.fr/.
  • L'Ecomuseo delle Acque de Gemona (Friuli, Italie) prépare la publication, longtemps attendue, d'un livre sur la remarquable expérience de développement de la filière économique du Pan di Sorc, un pain de maïs traditionnel. Le livre montrera coment il a été possible de sauver et de moderniser tous les métiers de cette filière (de l'agriculteur au supermarché en passant par le meunier et le boulanger), montrant ainsi la voie à d'autres initiatives appuyées sur le patrimoine artisanal ou gastronomique des territoires. Voir http://www.pandisorc.it/
  • L'Ecomuseo del Paesaggio de Parabiago (Lombardie, Italie) annonce les prochaines manifestations du "Mulino Day" (Juin 2015), dans le cadre du Pacte de la Rivière Olona qui unit cinq municipalités et tous les acteurs publics et privés du territoire dans un programme pluri-annuel de gestion collective d'un espace périurbain culturel et naturel intercommunal de 500 hectares, dénommé "Parc des Moulins". Voir http://ecomuseo.comune.parabiago.mi.it/ecomuseo/risorse/mulinoday/mulinoday2015.html.
  • L'Association Portugaise pour la Culture et l'Education Permanente (APCEP), qui vient de se reconstituer pour tenter de remobiliser la société civile sur des pratiques éducatives favorisant le développement des communautés et des territoires, annonce la réunion, à Coimbra, Lousã et Gois, les 28 février et 1° mars, de Journées de l'éducation permanente dans la région Centre du Portugal. Par éducation permanente, il faut comprendre ce que nous français appelons l'éducation populaire. Le programme comprend des témoignages sur de nombreuses initiatives locales contribuant au développement des territoires. Contact: apcep@gmail.com.

On pourrait multiplier les exemples, mais il est remarquable que ceux-ci apparaissent sur quelques jours dans ma seule boîte mail. Le monde va peut-être assez mal, mais il y a des territoires qui s'en sortent !

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27 octobre 2014 1 27 /10 /octobre /2014 14:07

Une correspondance récente avec Raul Dal Santo, coordonnateur de l'Ecomuseo del Paesaggio de Parabiago (Lombardie), m'a donné l'idée de faire connaître la remarquable expérience de développement local dont j'avais pu voir certains aspects l'an dernier sur place. Voici donc une courte mise en contexte suivie d'un article qui devrait donner envie d'aller voir la réalité sur place (la traduction est de moi)..

L'expérience de l'Agenda 21 local et de l'Ecomusée du Paysage de Parabiago a permis d'expérimenter des méthodes de programmation et d'action participative qui ont mis au centre de l'attention le patrimoine communautaire comme élément-clé du développement local.

Le Parc des Moulins, qui comprend environ 500 hectares d'aires fluviales sur le territoire de 5 communes, est géré par la commune de Parabiago, cette même collectivité qui gère également l'Agenda 21 local et l'Ecomusée de Parabiago. Compte tenu des bons résultats obtenus, le Parc a adopté un processus de participation permanente selon les mêmes modalités que celles qui avaient été adoptées auparavant par l'Ecomusée de Parabiago.

L'écomusée a donc assumé le rôle de partenaire technique du Parc et se charge d'en divulguer les résultats sur son propre site (en italien, anglais et espagnol):

http://ecomuseo.comune.parabiago.mi.it/ecomuseo/dallamappaallereti.html

Subsidiarité et patrimoine communautaire

dans la gestion du bassin de la rivière Olona

Raul Dal Santo (Parco dei Mulini) et Lucia Vignati (Ecomuseo del Paesaggio di Parabiago)

Résumé

Le Parc des Moulins, par un processus de participation permanente, a facilité la création d'un réseau d'acteurs institutionnels, économiques et du secteur non-lucratif qui a recensé le patrimoine communautaire à valoriser, a élaboré le Pacte de l'Olona et a mis en œuvre ce pacte selon le principe de subsidiarité, par l'utilisation de ressources humaines et financières importantes.

Introduction

La crise actuelle, qui entraîne un appauvrissement général, oblige à reconnaître et à valoriser les biens communs en vue du développement social, environnemental et économique des communautés locales. Toutefois le plus souvent, d'une part la communauté ne reconnaît pas ces biens comme faisant partie de son patrimoine, d'autre part, le modèle obsolète de gouvernance qui repose sur une logique de relation bipolaire administrateur-administré ne permet pas à la communauté elle-même de mobiliser ses propres ressources pour participer à la solution de problèmes qui souvent, en raison de leur complexité, ne peuvent être résolus par les seules institutions.

Le Parc Local d'intérêt intercommunal des Moulins, situé dans la plaine au nord de Milan, sur une partie du bassin de la rivière Olona, se caractérise par une incapacité diffuse de ses habitants de percevoir la valeur des lieux, de reconnaître dans le territoire non seulement un espace qui est à leur disposition pour construire, produire et se déplacer, mais aussi un patrimoine à préserver et à améliorer. Il en est résulté de profondes atteintes au paysage, telles qu'une perte de diversité biologique et culturelle, le déplacement et la séparation physique de l'habitat humain par rapport à l'habitat naturel de graves ruptures dans les paysages. La rivière Olona, polluée, incapable de résorber les crues et de maintenir une communauté biologique complexe, est emblématique de ce paysage dégradé.

Actions et méthodes

Dès 2010, le Parc des Moulins a lancé un processus de participation permanente, visant à la réalisation de l'inventaire du patrimoine naturel et culturel, à l'adoption d'un programme pluriannuel d'intervention, à la réalisation concertée d'études de faisabilité pour la requalification paysagère de l'espace périfluvial et à l'élargissement du réseau partenarial qui collabore avec le Parc. Aux organismes politiques et techniques du Parc se sont ajoutés un forum de participation ouvert à tous et un groupe de projet, constitué des propriétaires des abords de la rivière (communes, gestionnaires des stations d'épuration, quelques propriétaires individuels, une entreprise privée) et d'autres partenaires du projet. Font partie de ces dernières structures quelques associations environnementales et culturelles, telles que le District Agricole de l'Olona et le Consortium de l'Olona.

Ces différents acteurs ont interagi par la réalisation en commun d'une carte (sur le modèle des parish maps anglaises) qui repère et signale le patrimoine communautaire à valoriser et d'un plan comportant à la fois les actions programmées et leur impact sur la rivière et ses abords.

Le Parc a créé, favorisé et coordonné une alliance entre le public et le privé dans le but d'atteindre ensemble des objectifs, concertés lors du processus participatif, selon le principe de la subsidiarité horizontale. Enfin, le Parc a activement collaboré et interagi avec de nombreuses institutions, selon le principe de la subsidiarité verticale, dans le cadre des instances officielles promues par la Région Lombardie, telles que le Contrat de bassin, le Pacte pour le développement de la trame verte du Canal Villoresi (voir bibliographie ci-dessous), le Groupe technique pour les travaux de contrôle des crues sur l'Olona et enfin l'Observatoire régional pour l'Expo 2015.

Résultats

De 2010 à 2014, on a tenu 35 rencontres participatives sur des projets. En 2011, la carte du patrimoine communautaire du Parc a été diffusée. En juin 2013, les 5 municipalités du Parc, 18 partenaires du programme, 7 propriétaires de terrains et de nombreux citoyens ont signé le Pacte de l'Olona qui fixe les objectifs à atteindre pour tout le Parc des Moulins, et qui prévoit 10 études de faisabilité pour la requalification d'environ 45 hectares de paysage péri-fluvial, correspondant à environ 10% de la superficie du territoire de projet.

Parallèlement aux activités de cartographie et de planification/programmation participantes, le réseau des partenaires a organisé, entre 2010 et 2014, 71 événements/actions, parmi lesquels il faut citer le nettoyage et la réutilisation à des fins écologiques d'une rigole d'irrigation d'origine médiévale (le Riale de Parabiago), deux interventions de ré-empoissonnement de l'Olona, le nettoyage de ses berges et l'ouverture d'accès pour l'observation et la pêche, la remise en état de la dernière zone humide naturelle du territoire (la Foppa de San Vittore Olona) et les nombreuses initiatives culturelles destinées à mobiliser les riverains et les voisins de l'Olona (les événements de printemps et d'automne "Mulino Day" et "Giri d'Acqua", les activités éducatives "attention aux nids"). Tout cela est fait avec des ressources financière extrêmement limitées. Le Parc a réussi à réunir et à coordonner les importantes ressources humaines, les compétences et les connaissances propres des 65 partenaires qui ont collaboré librement et en pleine connaissance de cause.

Néanmoins, de 2013 à 2014, le Parc a réussi à trouver les ressources financières nécessaires pour la réalisation des travaux prévus par le Pacte de l'Olona, au niveau de 3 millions d'euros: 1,5 M€ pour la construction de la voie cyclable longeant l'Olona, entièrement financé par la Région Lombardie, et 1,5 M€ pour les interventions écologiques et les travaux sur la rivière elle-même, ainsi répartis: 350.000 de l'Expo 2015, 124.000 du Contrat de rivière, 350.000 de la fondation Cariplo, 30.000 de CAP Hording (gestionnaire de la station d'épuration), 371.000 de AIPO (Agence interrégionale du fleuve Po) et, pour le reste du Parc lui-même et des municipalités riveraines.

Le processus d'implication du Parc et de ses partenaires dans les travaux de l'instance technique de programmation a rendu possible une modification des plans des travaux de contrôle des crues qui ont comporté, dans la phase d'exécution, une forte composante environnementale. Ils intéressent en effet 35 hectares, soit 7% de la superficie du Parc et prévoient 2 zones d'expansion et 3 digues: tout cela touche des aspects hydrauliques, écologiques, de cultures fruitières et d'agriculture.

Conclusions

Pendant ces cinq dernières années, le Parc des moulins, à travers les processus de participation permanente, la valorisation des compétences, des savoirs et des ressources du territoire, le recours systématique aux principes de subsidiarité et de co-responsabilité, a assumé le rôle de facilitateur d'un réseau complexe d'acteurs qui a permis de capter d'importantes ressources humaines et financières provenant d’institutions publiques et privées.

Ainsi s'est créé un modèle de gouvernance du territoire, respectueux de la logique de l'administration partagée et du principe constitutionnel de subsidiarité, et un "projet de territoire" capable de traiter et d'intégrer des éléments physiques, des méthodes de gestion et des procédures, ainsi que d'assurer la co-existence de l'intérêt général et des intérêts privés.

C'est un projet qui, par la redécouverte et la valorisation du patrimoine commun, a permis de progresser vers une situation où l'Olona, la rivière "invisible", deviendra cette rivière civilisée, culturelle et naturelle, qui pendant des millénaires a été l'axe du développement de ce territoire, recréant au long de son cours une nouvelle cité plus habitable.

___________________

Bibliographie et ressources Web

AA.VV. “Dalla mappa del parco alla realizzazione delle reti. Qualificare il paesaggio periurbano lungo il medio corso del fiume Olona”, les e-book de l'Ecomuseo di Parabiago, 2013

http://ecomuseo.comune.parabiago.mi.it/ link “Mappa di comunità” e “Dalla mappa alla costruzione delle reti”.

http://www.contrattidifiume.it/1721,News.html

http:// www. Patto per lo sviluppo del Sistema Verde V'Arco Villoresi

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7 février 2014 5 07 /02 /février /2014 11:28

J'ai reçu une longue lettre de José Itaqui, un ami de 25 ans qui est à l'origine et actuellement au pilotage du développement de la Quarta Colônia, un territoire de 9 municipalités de colonisation italienne (années 1870) au centre de l'Etat brésilien de Rio Grande do Sul, près de la ville de Santa Maria.

L'histoire du projet de développement de ce territoire remonte à la fin des années 1980, quand Itaqui, sa femme Angelica et des amis (re)découvrent le patrimoine matériel et immatériel de la communauté de Silveira Martins, puis des communes voisines. Après de nombreuses péripéties, un programme appelé "Projeto Identidade" a mobilisé les écoles, les enfants et leurs parents, et finalement toutes ces communautés, autour de l'idée et de la pratique d'un développement culturel, social et économique appuyé sur les ressources patrimoniales communes.

Itaqui, de son côté, menait une action collective militante autour du théâtre et de la production de spectacles en dialecte Veneto qui est encore parlé dans la Quarta Colônia par les descendants des immigés italiens du 19° siècle, sur des thèmes liés à la mémoire des premiers immigrés.

Puis, un grand programme de développement économique et social a été mené par Itaqui, sur l'ensemble de la Quarta Colônia, appelé CONDESUS, Consórcio de Desentvolvimento Sustentável, soutenu par des fonds nationaux et internationaux.

Finalement, une découverte a été faite, celle d'un gisement paléontologique considérable, de valeur scientifique internationale. Pour l'exploiter à la fois pour la recherche, pour l'éducation et pour le tourisme, un centre moderne vient d'être construit, appelé CAPPA (Centre de Apoio à Pesquisa Paleontológica).

Ce que Itaqui vient de m'écrire est particulièrement intéressant: la découverte et la mise en valeur de ce gisement paléontologique a suscité une mobilisation des universitaires intéressés par le sujet et, à l'université fédérale de Santa Maria, la création prévue d'une chaire de paléontologie, tenue par le prof. Sergio Dias da Silva, un homme de terrain qui peut utiliser le CAPPA comme lieu de recherche et d'enseignement. Avec son aide comme rédacteur, un "Programme d'appui à la recherche paléontologique de la Quarta Colônia" a été élaboré par  les représentants de 6 universités du Rio Grande do Sul et par le CONDESUS.

Cette histoire, qui devrait faire l'objet d'une analyse et d'un traité méthodologique, montre bien plusieurs principes, sur lesquels je pense que mon ami Itaqui serait d'accord:

- le patrimoine, sous toutes ses formes, est l'une des principales ressources pour un développement soutenable d'un territoire,

- ce développement doit être mené par des personnes issues du territoire, motivées et indépendantes des systèmes politiques traditionnels,

- l'éducation au patrimoine concerne les enfants comme les adultes; elle est indispensable pour rendre les citoyens capables de participer à leur propre développement,

- la lenteur est une dimension indispensable du travail de développement, pour en assurer la solidité et la continuité,

- tout processus de développement doit s'appuyer sur les opportunités et les saisir au moment où elles se présentent, sans idées préconçues.

 

Cela dit, si vous passez par Santa Maria, allez voir les gisements paléontologiques de la Quarta Colônia et José Itaqui, mais il est très occupé !!!

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16 janvier 2014 4 16 /01 /janvier /2014 09:58

Je lis en ce moment le livre très riche de Alberto Melo: "Passagens Revoltas - 1970-2012", éditions de l'Associação In Loco (diffusion Sitio do Livro, Ltda, Largo Machado de Assis, porta C, 1700-116 Lisboa, Portugal. Alberto y a rassemblé des articles et des éditoriaux écrits par lui pendant 40 ans.  Ils concernent principalement l'éducation (et en particulier l'éducation des adultes) et le développement local.

 

J'y ai trouvé pages 169 à 186, un texte de 1998 intitulé "O desenvolvmento local como processo educativo" (Le développement local comme processus éducatif). C'est à mes yeux un document essentiel pour la compréhension des processus qui fondent le développement local sur la participation consciente des habitants, individuellement et collectivement. Je ne veux pas le paraphraser ici, car il faut le lire en entier.  Son grand intérêt est qu'il se base à la fois sur la compétence du chercheur (à l'époque, Alberto enseignait à l'Ecole supérieure d'Education de l'Institut Polytechnique de Faro, en Algarve), sur le cheminement du philosophe qui a réfléchi en profondeur sur ces questions, et sur l'expérience du praticien de terrain. Car Alerto Melo est d'un des fondateurs, concepteurs et animateurs, avec Priscila Soares, du projet de développement soutenable et endogène de la Serra d'Algarve, porté par l'association In Loco, depuis les années 80 du siècle dernier.

 

J'ai personnellement beaucoup appris de Alberto et de l'observation (trop rare et insuffisante) de ce qui se passait sur le terrain de la Serra d'Algarve. Et j'ai toujours vérifié dans de nombreuses actions de terrain la vérité et l'exactitude de ce principe: tout développement local est un processus éducatif par lequel une population devient acteur conscient (conscientisation) et compétent (capacitation) de son propre avenir et de l'utilisation efficace et prudente de ses ressources propes, mais aussi des apports extérieurs qui enrichissent le territoire.

 

Je rapproche cette pratique de celle qui m'a occupé ces dernières années, dans l'application comme dans la théorie, l'inventaire participatif et la gestion partagée du patrimoine d'un territoire. Si l'on considère le patrimoine, naturel et culturel, matériel et immatériel, comme le capital social, culturel et économique du territoire, qui appartient à la population de ce territorie et doit être utilisé par elle de façon soutenable, alors il est indispensable de lancer un processus éducatif collectif, qui s'appuie sur la (re)connaissance et l'étude de ce capital. L'inventaire, comme démarche permanente, confiée aux citoyens eux-mêmes, aidés (mais non exploités) par des spécialistes et des techniciens, est cet exercice fondateur de la conscience de leur identité, de leur valeur, de leur capacité d'initiative, de confiance et de coopération.

 

La 4° rencontre internationale des écomusées et musées communautaires, à Belém (Para, Brésil) en juin 2012, a donné toute sa valeur à ces idées et à ces pratiques, en discutant de nombreuses expériences de capacitation, ou empowerment,  faites dans le cadre d'écomusées dans divers pays. J'en ai rendu compte en son temps dans ce blog.  Le colloque de Gemona del Friuli en juin 2013, dont j'ai également rendu compte ici, a débattu de l'inventaire participatif et en particulier de son rôle dans la valorisation du patrimoine.  Tout cela revient finalement à reconnaître la valeur du patrimoine et de sa gestion partagée dans l'éducation du citoyen et dans sa participation consciente au développement de son territoire.

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