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27 mai 2013 1 27 /05 /mai /2013 12:11

Nathalie Heinich,  La Fabrique du patrimoine, Editions de la Maison des sciences de l'homme, Paris 2009/2012, 285 p.

 

Je viens de découvrir ce livre. Il est fascinant. C'est une enquête, faite par une sociologue de l'art, sur l'Inventaire national du Patrimoine, un service du Ministère français de la culture. Au moment où de nombreux projets patrimoniaux (musées communautaire, écomusées, éducation patrimoniale, etc.) se posent la question des objectifs et des méthodes de l'inventaire participatif sur les territoires, on trouve dans ce livre la description scientifique et tout à fait lucide de ce qu'est un inventaire "administré" dans le système hyper-centralisé français. Même si cet inventaire national est maintenant largement régionalisé et territorialisé, il reste une administration, certes compétente et expérimentée, mais qui applique des principes et des règles qui, pour l'essentiel, ont été formulés et imposés sous le règne de André Malraux, dans les années 60 du siècle passé. Il faut se rappeler à ce sujet qu'une des grandes "oeuvres" de Malraux a été "Le musée imaginaire".  C'est bien ce qu'est cet inventaire.

 

On découvre, à propos d'un projet immense, à la perspective multi-séculaire, d'inventaire exhaustif (de la cathédrale à la petite cuillère, comme dit le sous-titre du livre), une conception du patrimoine totalement "hors-sol", qui pourrait s'appliquer à un pays et à des territoires vidés de leur population. Un patrimoine mort, qui fait l'objet d'analyses tellement scientifiques et techniques, tellement "objectivées", que tout objet repéré et analysé perd son sens pour devenir une fiche dans une mémoire d'ordinateur, remplie selon les préceptes de logiciels aux noms codés.

 

Selon la norme, les chercheurs de l'inventaire n'ont pas le droit d'utiliser le critère esthétique. Mais l'enquête montre que en fait ces chercheurs travaillent sans cesse de façon subjective et basée sur leur conception de ce qui est bien, mal, beau, laid, amusant, intéressant, etc.

 

Et, en prime, on découvre dans l'ouvrage le concurrent de l'inventaire national du patrimoine, c'est à dire le service national des Monuments Historiques, responsable non pas du repérage et du fichage, mais du classement et de la protection des éléments exceptionnels du patrimoine français. Il fonctionne selon des critères totalement différents, esthétiques, historiques, mais tout aussi subjectifs.

 

Il n'y a naturellement dans tout cela aucune participation des citoyens individuels ou des communautés humaines qui peuplent les territoires. L'habitant est au mieux un informateur, mais son avis est suspect, car il n'a pas la "connaissance". Les élus et fonctionnaires locaux, eux, lorsqu'ils sont interrogés, ont des préoccupations purement administratives ou électorales.

 

Merci à Nathalie Heinich d'avoir si bien décrypté ce monstre qu'est l'Inventaire du Patrimoine. Ce sera très utile pour le futur colloque de Gemona, le mois prochain, sur l'inventaire participatif du patrimoine.

 

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