Le 8 novembre 2011, j'avais, sous la rubrique "Publications", rendu compte trop rapidement du livre que je venais alors de recevoir:
- sous la direction de Serge Chaumier et Aude Porcedda, Musées et développement durable, collections MuséesMonde, La Documentation française, Paris 2011
J'ai enfin pu lire tout à loisir ce livre et je me dois d'en parler de façon plus détaillée et sérieuse. En réalité, il aborde trois aspects très différents:
- ce que l'on pourrait appeler "la muséographie à l'heure du développement durable"; on y trouve la gestion des collections et des salles, l'architecture, l'économie des expositions et de leurs
sous-produits (déchets, etc.).
- les productions des musées sur le développement durable et ses différents aspects (expositions thématiques, musées dédiés, prise en compte du DD dans le traitement des sujets d'exposition)
- l'intégration du musée dans la logique et les processus de développement durable; on est alors là dans une optique territoriale de gestion du patrimoine, plus que d'administration de
l'institution.
Je précise que le terme français "durable", appliqué au développement, est trompeur. Un développement qui ne serait pas durable n'existerait pas. C'est donc une tautologie. Tous les pays du
monde, sauf les pays francophones (pour une raison de chauvinisme linguistique injustifié), parlent de développement "soutenable".
Des trois aspects ci-dessus, le premier est surtout consacré à l'alignement des pratiques du musée sur les règles de bon sens qui commencent à s'appliquer à toutes les institutions et
administrations, ainsi qu'aux particuliers. Le second met le mode d'expression spécifique du musée, le langage de l'expostion, au service des politiques et des actions éducatives en faveur du
développement durable, notamment, mais pas exclusivement, à partir des collections.
C'est le troisième aspect qui m'intéresse le plus. Il comprend plusieurs articles importants, autour du texte central de Serge Chaumier "Réinventer un modèle: des leçons du passé faisons
table pleine". Les opinions exprimées par des auteurs québécois et français à partir d'expériences concrètes et l'analyse systématique et historique de Serge Chaumier vont dans le même sens:
il faut repenser le rôle, le contenu et l'action du musée pour l'insérer activement et efficacement dans le mouvement général et transversal pour le développement soutenable. Certains l'ont déjà
fait (notamment le Musée des maisons comtoises de Nancray - http://www.maisons-comtoises.org/), d'autres sont en réflexion et en recherche.
Il me semble évident, à la lecture de toutes ces opinions et expériences, comme ce fut le cas pour l'ouvrage collectif sur le même sujet publié en langue anglaise en 2006 (Museums and social
issues, Michigan State University, vol. 1, n°2, 2006), que les musées traditionnels restent centrés sur leurs collections, chargés de leur conservation et de leur exposition dans un esprit
d'éducation "bancaire" (au sens de Paulo Freire), dans la ligne française de la "démocratisation culturelle". Même les plus innovants et progressistes des observateurs de la muséologie peinent à
remettre en cause la collection comme source de toute action muséale.
D'autre part, les analyses de Serge Chaumier et d'Aude Porcedda, très justes pour les contextes français et québécois, ne tiennent pas assez compte de ce qui se fait ailleurs, dans le reste du
monde, où l'expérimentation et l'innovation explosent littéralement. En cette année du quarantième anniversaire de la Table Ronde de Santiago, il faudrait pourtant poursuivre activement l'étude
de la fonction sociale du musée, donc de sa participation à l'enjeu du développement durable, vu dans sa dimension patrimoniale.