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2 décembre 2011 5 02 /12 /décembre /2011 15:17

 

Un essai de réflexion sur le concept et sa pratique

 

Ce terme de capacitation revient de plus en plus souvent dans les conversations ou dans les textes concernant l'éducation populaire. Il fait parfois sourire, comme tout néologisme, plus souvent il entraîne des questins, ou des critiques, ou des malentendus. Pour préparer un colloque d'écomusées en juin 21012 au Brésil, j'ai essayé de préciser son sens et son usage.

 

Quelques définitions en français

- De l’anglais capacitation, du latin capax (« capable »).

- (en sciences sociales) : Développer des capacités, par extension du sens de "capacitación" en espagnol et "capacitação" en portugais. (Wikipedia).

- (sociologie) : Prise en charge de l’individu par lui-même, de sa destinée économique, professionnelle, familiale et sociale, ou processus qui la permet. (Wiktionnaire)

Wikipedia renvoie à l'anglais "empowerment", avec cette définition : "L’empowerment, terme anglais traduit par autonomisation ou capacitation, est la prise en charge de l'individu par lui-même, de sa destinée économique, professionnelle, familiale et sociale. L'empowerment, comme son nom l'indique, est le processus d'acquisition d'un « pouvoir » (power), le pouvoir de travailler, de gagner son pain, de décider de son destin de vie sociale en respectant les besoins et termes de la société. L'autonomie d'une personne lui permet d'exister dans la communauté sans constituer un fardeau pour celle-ci. La personne autonome est une force pour la communauté."

 

De la théorie à la pratique

On voit bien ce que le terme veut dire. Au delà de la théorie, de quelles pratiques parle-t-on ?  Ce serait une méthode empirique de formation des citoyens adultes, au sein d'une communauté et sur territoire, qui accompagne des individus dans des parcours non-formels d'apprentissage technique menant à une certaine autonomie sociale et économique, dans un cadre collectif. Cela peut comporter :

 

  •  une phase d'inventaire-diagnostic participatif des ressources utilisables sur le territoire, des potentiels révélés par les membres de la communauté, des besoins immédiats et à long terme de cette communauté ;
  • une programmation à court et moyen terme, découlant du diagnostic et des souhaits de la population concernée, mais aussi d'une analyse d'un contexte plus large, macro-social et macro-économique ;
  •  une phase d'étude du projet choisi, de mobilisation des participants et d'initiation théorique qui peut exiger l'acquisition de certains savoirs indispensables (il n'existe pas de pré-requis de connaissances pour la capacitation) ;
  • une phase de production assistée ("apprendre en faisant"), qui va jusqu'à la maîtrise des débouchés de cette production ;
  • un suivi-accompagnement dans le temps pour s'assurer de la pérennité des avancées atteintes.

Les intervenants-accompagnants sont des professionnels, dotés d'une capacité d'écoute et de communication, qui acceptent de partager le quotidien des personnes formées. Ils sont également porteurs des exigences de qualité, de soutenabilité et d'économie de moyens.

La capacitation inclut tout particulièrement un volet de développement du capital social des individus et de la communauté : organisation collective, coopération, prise d'initiative, gestion de projet, communication, technologies d'information.

 

Capacitation, patrimoine et musée

La capacitation, comme moyen du développement des territoires et de l'amélioration du niveau de vie des populations, s'appuie naturellement sur les deux principales ressources de ces territoires : une ressource humaine, c'est à dire les habitants eux-mêmes, avec leurs savoirs, leur énergie, leur culture, et une ressource patrimoniale qui englobe le patrimoine naturel, culturel, matériel et immatériel.

Ce patrimoine est un matériau que les habitants doivent apprendre à connaître, à maîtriser et à utiliser, tout en le respectant (soutenabilité). Qu'il s'agisse de production agricole, horticole ou aquacole, d'activités artisanales, de gastronomie, d'accueil touristique, de spectacles de musique ou de danse traditionnelles, c'est ce patrimoine qu'il faut savoir identifier, valoriser, transformer,  en vue à la fois d'une consommation interne et d'une commercialisation dont les retombées iront essentiellement à la population elle-même ou à certains de ses membres.

Le musée (et plus particulièrement l'écomusée ou le musée communautaire) est un instrument bien adapté à la conception et à la mise en œuvre de cette capacitation, du moins dans la mesure où il est effectivement en relation étroite avec son territoire, à l'écoute et au service de sa communauté. Sa connaissance du patrimoine et de la population lui permet de jouer un rôle de mobilisation et d'organisation préalable à la capacitation, puis d'en être le maître d'œuvre.

 

L'expérience de l’Écomusée d'Amazonie (ecomuseuamazonia.blogspot.com)

Depuis plusieurs années, cet écomusée a fait de la capacitation des habitants et des communautés des territoires qui lui ont été confiés (trois îles et un district de la ville de Belém, capitale de l’État brésilien de Para) le cœur de sa politique.

Dans ces communautés relativement en marge ou isolées, à dominante rurale ou péri-urbaine, il s'agit à la fois d'acquérir une forte confiance en soi (auto-estime) et de s'appuyer de manière volontaire et créative sur les ressources locales (patrimoniales), afin d'aboutir à une réelle autonomie socio-économique, tout en accédant progressivement à un niveau de vie proche de celui des populations urbaines voisines.

Il a donc été décidé de mettre en œuvre un programme de capacitation selon quatre axes prioritaires :

  • le capital culturel : l'homme comme créateur de culture et détenteur de patrimoine,
  • le capital naturel : préservation et potentiel économique du milieu naturel,
  • le tourisme : accueil de visiteurs par la communauté et au profit de ses membres,
  • le capital social : organisation de la société, coopération et solidarité.

Ce programme, qui comporte à la fois des sessions collectives et des travaux pratiques, s'étend sur toute l'année et couvre une grande diversité de sujets, par exemple l'horticulture familiale, l'élevage de crevettes, la gestion de la forêt, la production céramique, la danse traditionnelle "carimbó", la création d'itinéraires d'observation, les foires de produits locaux, l'organisation de fêtes et de festivals de village, la constitution de groupements économiques ou de coopératives, etc.

 

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