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12 novembre 2022 6 12 /11 /novembre /2022 11:34

 

Cette année 2022 a été marquée, pour de nombreux professionnels du patrimoine et des musées, jeunes et moins jeunes, par des réflexions et des débats sur la déclaration de la Table Ronde de Santiago du Chili (1972), sur ses suites et sur la situation actuelle des politiques institutionnelles et des pratiques de terrain. Les nouvelles modes et techniques d'échanges à distance découlant de la pandémie ont considérablement élargi l'accès de très nombreux acteurs locaux à ces débats, qui auraient autrefois été limités à une élite de chercheurs et de représentants de grands musées, surtout artistiques ou scientifiques.

J'ai personnellement participé à quelques unes de ces rencontres, de façon virtuelle, surtout comme observateur et non comme participant, n'étant plus moi-même acteur, physiquement et intellectuellement. Mais je ne peux pas m'empêcher d'exprimer quelques analyses et des opinions, en tant que témoin de la Table Ronde de Santiago et des évolutions de la muséologie et des pratiques de gestion du patrimoine pendant les cinquante dernières années.

Tout d'abord, un rappel: la Table Ronde de Santiago, décidée par l'UNESCO, organisée par l'ICOM et accueillie par le Chili, en mai 1972, s'est distinguée des réunions analogues tenues antérieurement (Jos 1964, New-Delhi 1966) par deux caractéristiques: les experts invités à animer les séances étaient tous latino-américains et spécialistes des principaux domaines du développement social et économique dans le continent (et non pas des musées); la seule langue de communication était l'espagnol (l'anglais et le français ayant été éliminés comme non pertinents et le portugais accepté sous la forme du "portunhol").

Les participants représentaient soir des administrations publiques soit des grands musées nationaux. Sur le moment et dans les années suivantes, la déclaration finale, rédigée principalement par Mario Vazquez (Mexique) et Carlos de Sola (El Salvador), n'a pas eu d'influence réelle sur les politiques de musées ou du patrimoine dans les pays d'Amérique Latine. Seule l'expérience de la Casa del Museo, pilotée par Mario Vazquez, a tenté un application des principes de Santiago. Politiquement, les régimes autoritaires qui ont existé dans nombre de pays de la région jusqu’aux années 1980 n'ont pas favorisé l'adoption de politiques novatrices dans le domaine culturel. La conférence de Caracas, en 1992, voulue par l'UNESCO pour évaluer l'impact de Santiago vingt ans après la Table Ronde, a montré que cet impact était très faible sur les grands musées.

Mais, c'est cette même année 1992 que la première rencontre internationale des écomusées s'est tenue à Rio de Janeiro, dans le cadre du Sommet de la Terre. En effet, à la suite de la Conférence générale de l'ICOM de 1971, un mouvement s'était développé, sans relation directe avec la Table Ronde et la déclaration de Santiago, sous les nom de nouvelle muséologie, d'écomusées ou de musées communautaires, à partir d'initiatives locales de petites dimensions, faisant appel à une mobilisation des forces vives des territoires, prenant des formes variées, principalement en France, au Canada, au Brésil, en Scandinavie, au Mexique, et plus tard en Italie, au Portugal, en Chine, etc. De nouvelles déclarations ont été publiées, allant dans le même sens que celle de Santiago (Québec 1984, Oaxtepec 1984, Guwahati 1988).

C'est dans les années 2000 environ, à mon avis, que l'esprit de Santiago a rejoint et nourri ces centaines de projets locaux, sans toutefois entraîner de vrais changements dans les politiques publiques du patrimoine et dans les pratiques des grands musées d'art, d'histoire et de sciences, qui sont restés traditionnels et attachés aux notions de collection, de conservation, d'éducation et de public. L'ICOM au plan international et ses déclinaisons nationales, comme les associations de professionnels de musées, traditionnellement conservatrices (au deux sens du terme) ont certes débattu du rôle social et culturel du musée, mais seulement au niveau des idées, soutenues par de rares expériences ponctuelles, sans que des changements effectifs apparaissent, dans les lois nationales, dans les pratiques professionnelles et dans les structures corporatives.

Finalement, les instances de l'ICOM, suivies par les autorités nationales, ont fini par discuter à Kyoto en 2019 puis adopter à Prague en 2022, une définition du musée qui reprend certains concepts et certains principes qui étaient déjà présents à Santiago il y a cinquante ans et qui avaient déjà été largement diffusés et mis en pratique depuis par les écomusées, les musées communautaires, des milliers d'associations locales du patrimoine, des mouvements politiques de reconquête ou de restitution des patrimoines autochtones. On peut s'en féliciter, mais il faut rester vigilants et attendre de voir si des changements réels interviendront dans les grandes institutions qui sont les modèles du "Musée" et lui offrent des références idéologiques et scientifiques, malgré la pression toujours plus forte du tourisme et du marché des biens dits "culturels".

(Suite un jour prochain)

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9 septembre 2019 1 09 /09 /septembre /2019 14:46

A ce que j'ai pu en apprendre de diverses sources, le débat qui s'est instauré sur une nouvelle définition du musée, pendant les quelques semaines qui ont précédé l'Assemblée générale de l'ICOM À Kyoto le 7 septembre 2019, a été vif et intense. Le texte soumis à discussion était certainement critiquable dans le fond et surtout dans la forme. Son élaboration a paru trop rapide et manquer de concertation. La décision qui a été finalement prise, de reporter la décision sur un texte qu'il convient de rediscuter, me paraît sage.

Je trouve ce débat passionnant et le vétéran que je suis a connu un processus très semblable, auquel j'ai personnellement participé, avant, pendant et après la Conférence générale de l'ICOM de 1971. Dans les deux cas, on est devant un besoin de changement, qui est exprimé, parfois fortement, par un groupe peut-être minoritaire mais aussi plus déterminé et plus dynamique que la masse des membres d'une organisation internationale dont la culture est généralement plus orientée vers la conservation des acquis (les collections) que vers la prise de risques (l'insertion dans la société).

Apparemment, nous nous trouvons devant un "mouvement" assez spontané, qui se qualifie sans doute de progressiste, et qui veut par un seul grand coup commencer à changer le musée, en commençant par sa définition, car c'est la seule chose que l'on puisse changer tout de suite. Il faudra ensuite changer des milliers d'institutions, souvent publiques, dans un grand nombre de pays et cela prendra des années et sans doute des formes très diverses qui devront tenir compte de résistances inévitables. Pour ne prendre qu'un exemple partiel, la célèbre Table Ronde de Santiago, en 1972, qui voulait susciter dans les musées d'Amérique Latine un changement très radical, a fait l'objet d'un constat d'échec relatif en 1992 à Caracas, et n'a en fait trouvé un milieu muséal vraiment favorable que dans les années 2000.

L'analyse des débats et des votes à Kyoto sera extrêmement intéressante et il est trop tôt évidemment, surtout pour les gens comme moi qui sont à l'extérieur de la profession muséale, pour tirer des conséquences ou des leçons de ce qui apparaîtra sans doute comme la toute première phase d'un processus de gestation, non pas seulement d'une simple définition, mais aussi d'une évolution plus ou moins rapide du musée et de la muséologie.

Provisoirement, et pour commencer dès maintenant à apporter une première pierre à la discussion, je poserais comme hypothèse de travail qu'existeraient de fait deux groupes qui se seraient alliés pour l'occasion et qui chercheraient à faire approuver cette nouvelle définition, même s'ils ne sont pas d'accord sur certains points essentiels. Ces groupes ne sont pas forcément organisés et toute cette affaire n'est pas un complot, mais le fruit de deux évolutions parallèles

Un premier groupe serait fait de professionnels de musées (surtout occidentaux ou de culture occidentale) qui se sentent frustrés de ne pas pouvoir changer leurs propres institutions et qui, influencés par le discours et certaines pratiques de la Nouvelle muséologie héritée de Grenoble 1971, de Santiago 1972 ou du Creusot années 70, et aussi par ce que l'on appelle maintenant l'écomuséologie, utilisent un vocabulaire et des concepts actuels pour tenter d'orienter l'avenir de leurs musées. Il s'agit, sans le dire trop clairement, de briser le plus possible les anciennes théories et les anciennes pratiques représentées par la vieille définition, qui a le défaut à leurs yeux de n'avoir pas su accompagner l'évolution de la société.

Un autre groupe serait fait de professionnels non occidentaux qui sont, depuis les années 60 et la décolonisation, à la recherche de muséologies nationales, ou vernaculaires, libérées de la dictature de l'art, des disciplines académiques et des théories muséologiques euro-américaines; pour ceux-là la vieille définition a d'abord le défaut d'avoir été imposée par des occidentaux et nourrie par la tradition des grands musées d'art. On peut en trouver de premières manifestations dans la Table Ronde de Santiago (1972), dans la déclaration de Guwahati (1988), dans l'émergence des réseaux de musées communautaires et autochtones notamment au Mexique, au Canada et au Brésil (depuis 1994), dans l'apparition des banques culturelles en Afrique de l'Ouest (depuis 1997), etc.

Je crains que les avis, pourtant très justes et argumentés, donnés par des professionnels reconnus, mais surtout occidentaux et appartenant à des générations issues du moule de la muséologie traditionnelle, ne puissent guère lutter contre ces tendances divergentes. Ils apparaissent comme défendant une vision du musée à la fois élitiste et impérialiste. J'ai peut-être complètement tort et je n'ai pas la première preuve documentaire ou statistique de ce que j'avance… Je m'appuie à la fois sur le souvenir du mouvement analogue, mais encore très occidental, des années 1970, et sur de nombreuses discussions sur le terrain, échanges de correspondance et écoute de débats collectifs pendant ces vingt dernières années.

Je crois cependant que, quelque soit le résultat des travaux qui vont commencer à la suite de la décision de Kyoto, nous sommes partis pour des années de réflexions, d'expérimentation, de luttes et d'efforts sur ces deux pistes. Le texte proposé à Kyoto va rester, pendant au moins un an, un document de travail qui servira de punching ball aux principaux animateurs de ces mouvements et aux instances nationales et internationales, au sein de l'ICOM. La vraie question est de savoir si celui-ci saura jouer son rôle de médiateur et d'arbitre. Actuellement, je sais que quelques milliers de musées locaux, écomusées et musées communautaires pratiquent déjà à travers le monde, sans discours inutiles, sur le terrain, les ambitions mal exprimées dans le projet de définition, presque sans y être aidés que ce soit par l'ICOM ou par les pouvoirs publics nationaux. On pourrait peut-être commencer par les reconnaître et les faire connaître, comme l'ont fait à leur manière l'Institut National d'Anthropologie et d'Histoire du Mexique et douze régions italiennes. L'UNESCO, puis l'ICOM avec la revue Museum ont attiré de temps à autre l'attention sur des cas exemplaires, que beaucoup considèrent sans doute comme "hérétiques". Des pays ont tenté, souvent assez naïvement, de définir un "musée pour le XXIème siècle"…

Autre élément qu'il est intéressant de signaler ici. Le débat en cours sur la restitution d'objets arrachés à leurs cultures d'origine pendant la période coloniale oppose deux manières d'interpréter le droit de propriété, celui du collectionneur (notamment le musée) et celui de l'héritier collectif. On retrouve là, me semble-t-il, sur un thème distinct mais lié, les deux voies dont je parlais plus haut.

Je crois qu'il faudra que l'ensemble de la profession travaille pendant au moins vingt ans sur ces deux voies d'une future muséologie plurielle, plus que sur une définition qui restera toujours trop normative pour satisfaire la diversité des situations nationales et locales. Et il faudra aussi que les musées eux-mêmes se transforment, à leur rythme mais en profondeur et pas seulement dans le discours, grâce au dynamisme et au réalisme de leurs responsables.

 

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13 mars 2018 2 13 /03 /mars /2018 09:18

I have read recently a number of press articles sent by friends, especially by Kwame Opoku, who is as always watching intently the consequences of the declarations made in Ouagadougou by President Macron on the subject of restitution of African treasures by French (and hopefully European) museums.

The last such articles was https://frieze.com/article/fraught-future-ethnographic-museum and it led me to the following comments which might stir some more discussions and keep the ball rolling on a very important subject:

This article is interesting, but it is misleading: the author writes about ethnography museums by using as an example the Musée du Quai Branly which is essentially an art museum. Ethnography is not art history. Ethnography is a scientific discipline created by Europeans in colonial times to study civilizations in colonized countries. It was later extended to European populations, including industrial societies. Art history is another discipline based on European aesthetic standards and tastes which has "discovered" "primitive arts" and "African art", thanks to the private tastes of famous artists, rich collectors, galerists and cultural gurus like Malraux. Being unable to understand "primitive" values and historical significance of their heritage, they invented this new art field which became a flourishing market.

A problem which is not mentioned in the article is that many ethnography museums have been influenced by the glamour of pan-European art, the success (in statistical terms) of great exhibitions and the constant pressure on their directors to make the attendance grow, have  treated the "best" objects of their collections as works of art, and not as items of exceptional ethnographic, historic or cultural value.

Another point which should be stressed is that Africa, like all other continents, has now and has had for decades excellent ethnographers/ethnologists, archaeologists and historians, many of whom have been trained in museology and museography. I have known the IFAN in Dakar when its scientific responsibility and administrative management were transferred to African professionals/It was about 50 years ago. Ekpo Eyo from Nigeria and Richard Nunoo from Ghana have been most respected museum leaders at that same period. They were able to discuss ad equals with Robert Gessain from the Musée de l'Homme and with Bernard Fagg from the Pitt Rivers.

I don't think the real problem is ethnography museums, it is the art museums world, and the market which is also art oriented. The Benin bronzes or the Abomey treasure would be easier to repatriate if they were exhibited as a proud military loot, in a museum which would be dedicated to the glories of colonial history. Then the change (inversion) in human and political values would quickly lead to the closing of such museums and the restitution of their collections to the now-independant countries. But these same objects are called pure works of art which can be presented and appreciated only in Euro-American museums and exhibitions (and be valued by the media in dollars or euros)..

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26 avril 2013 5 26 /04 /avril /2013 10:48

 

 

Lu dans le Monde, supplément "Argent et Patrimoine" du 10 avril dernier un article sur "L'essor bridé de la philanthropie" (signé de Frédéric Cazenave). J'y ai trouvé la citation suivante, de Alain Muet, député PS et vice-président de la Commission des Finances de l'Assemblée Nationale :

 

"...Certes, le coût [du mécénat] pour la collectivité peut paraître élevé, mais quand on s'intéresse à l'impact, on s'aperçoit que l'Etat est gagnant. En province, le mécénat est souvent la seule façon pour les musées d'acquérir des œuvres d'envergure."

 

Alors qu'il y a tant de projets culturels et socio-culturels non financés, notamment dans les musées (médiation, éducation, expositions hors les murs, coopération inter-institutionnelle), M. Muet voudrait encore accroître les collections. Qu'il se souvienne que les réserves des musées sont pleines d'"œuvres" qui ne servent à rien et qui ne sont jamais montrées, que les musées d'art n'intéressent que les touristes et un nombre restreint d'amateurs.

 

Décidons plutôt un moratoire sur la création de nouveaux musées (surtout d'art) et sur la croissance des collections publiques et consacrons le peu d'argent disponible, public et privé, à des programmes d'éducation populaire et patrimoniale compatibles avec la culture vivante de nos quartiers et de nos villages.

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15 décembre 2012 6 15 /12 /décembre /2012 15:41

 

Suite à une rencontre éphémère à São Paulo le 6 décembre, je reçois un message très sympathique qui raconte une expérience sans doute assez originale. Je ne comprends pas tout, n'étant pas habitué à des modes d'expression (réseaux sociaux en particulier), mais si quelqu'un est intéressé il lui suffira de prendre contact avec Edison Mariotti...


Sou da área de informática e desde 1970. Em 2009 fui convidado a fazer um estudo para um cliente (Clube de Futebol) no bairro do Ipiranga em São Paulo para a criação de um museu/informática. Como não conhecia nada sobre museus, entrei em uma escola técnica de museus e fiz um curso de 18 meses. Fiquei apaixonado.
Em informática trabalho com banco de dados para internet. Hoje, cuido de acervos de museus e alguns museus particulares.
Em 2009 conheci a palavra ECOMUSEU e criei uma comunidade na internet com nome ECOMUSEU SANTANA, divulgando notícias sobre museus. Hoje (2012) é bem conhecida e muitos contribuem com novas notícias (rede social.
O nome ECOMUSEU SANTANA, nasceu à partir de um artigo em que comenta sobre Ecomuseu. Publiquei na rede social. 
A escola técnica de museus que fiz o curso é em SANTANA (bairro) em São Paulo, Capital, no PARQUE DA JUVENTUDE - antigo presídio do CARANDIRU - do famoso massacre do Carandiru... O Parque da Juventude  é um local público, não temos espaço físico (com muro e telhado)
E com muita garra, fizemos duas exposições desde o lançamento.  Veja em  www.rc.com.br/exposicao. 

A primeira exposição foi em ambiente fechado (na biblioteca. Tema: TERRA É NATUREZA E É VIDA - PATRIMÔNIO É VIDA - MUSEU CUIDA DO PATRIMÔNIO - Ecologia e Meio Ambiente - Local: Biblioteca São Paulo - Parque da Juventude metrô Carandiru - São Paulo – SP de 1º. a 31 de outubro de 2010, das 09h. às 21h., terças a sextas-feiras, e das 09h. às 19h., sábados e domingos.

A segunda exposição foi em ambiente aberto (na alameda) na área central do parque. Tema: COPA DO MUNDO 2014  E OLIMPÍADAS 2016 - 30-09-2012 até 15-12-2012 aberto todos os dias das 06hs da manhã até as 23hs -

Experiência maravilhosa. Comentários: sem acervo, sem dinheiro. Apenas com colaboradores e muito serviço. A administração do parque gostou, porém ele não tem noção do que é UMA EXPOSIÇÃO MUSEOLÓGICA -

Após a primeira leitura de seu livro, tenho ideias de utilizar o banco de dados e começar a fazer o inventário do patrimônio em SANTANA.. Só preciso de coragem. rsrsrsrs

 

Edison Mariotti <edison.mariotti@gmail.com>

 

 

 

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