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6 octobre 2011 4 06 /10 /octobre /2011 16:37
A ABREMC – Associação Brasileira de Ecomuseus e Museus Comunitários, com sede no Rio de Janeiro e o Museu Comunitário Treze de Maio de Santa Maria-RS, com o apoio da Prefeitura Municipal de Santa Maria, da UMCO – Unión de Museos Comunitários de Oaxaca, do Ecomuseu de Itaipu - Foz do Iguaçu – PR, convocam as comunidades e organizações interessadas em participar das II Jornadas Formação em Museologia Comunitária, a se realizarem em Santa Maria, RS, de 30 de  outubro a 03 de novembro de 2011.
 
Em breve maiores informações no site www.abremc.com.br
 
Giane Vargas Escobar
Museu Treze de Maio - Santa Maria - RS
 
Odalice Priosti
Ecomuseu de Santa Cruz - Santa Cruz - RJ
 
Maria Emília Medeiros de Souza

Ecomuseu de Itaipu - PR

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5 octobre 2011 3 05 /10 /octobre /2011 17:41

 

Collectif, Des paysages à voir et à lire en Bourgogne, Educagri et CCSTI de Bourgogne, 2009, 176 pages.

Un ouvrage passionnant, très facile à lire et pédagogique, qui analyse 22 unités paysagères de la région de Bourgogne, selon 4 catégories : les sites emblématiques (comme Alésia ou Vézelay), les milieux naturels, les paysages signes et jalons de l'histoire (comme les canaux ou le chemin de fer), les paysages d'aujourd'hui, urbains, viticoles ou industriels.

Des illustrations, des schémas et des cartes permettent non seulement de comprendre ces paysages, mais aussi leurs transformations au fil du temps et les projets de leur aménagement raisonné à long terme.

 

Bruno, Maria Cristina O. (Ed.), Waldisa Russio Camargo Guarnieri, Textos e contextos de uma trajetoria profissional, Editions du Comité Icom Brasil, Vol. 1 (textos), Vol. 2 (varias contribuições), 2009

Waldisa a été l'une des principales inspiratrices du renouveau de la muséologie brésilienne dans les années 1970 et 1980. Morte encore jeune, elle n'avait pas publié de synthèses de son expérience et de ses idées. Cette publication reconstitue ses différents apports théoriques et pratiques.

 

Bruno, Maria Cristina O. (Ed.), O Icom-Brasil e o Pensamento Museologico Brasileiro, documentos seleccionados, Editions du Comité Icom Brasil, 2 vol., 2010

Trois ans avant la tenue de la Conférence Générale d el'Icom à Rio de Janeiro, il était important de souligner l'importance de la contribution du Brésil à la muséologie contemporaine, depuis la réunion de l'Unesco à Rio en 1958, jusqu'aux réflexions qui ont suivi la table-ronde de l'Unesco et de l'Icom à Santiago du Chili e 1972, qui sont encore vivantes aujourd'hui.

 

Verchère, Françoise , Dictiomaire, éd. Siloé, 2010 – Etat d'Elue, fils de Luc Decaster (98 minutes), 2008 (DVD)

F. Verchère a été maire de Bouguenais (44) et est actuellement conseillère générale de Loire Atlantique. Elle raconte avec humour son expérience d'élue locale militante. Ces deux documents forment un tout et donnent envie de croire en la politique.

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5 octobre 2011 3 05 /10 /octobre /2011 17:37

 

J'en suis désolé pour mes concitoyens bourguignons qui se battent pour faire inscrire les "climats", c'est à dire leurs terroirs viticoles traditionnels, dans le patrimoine de l'humanité, mais je suis très dubitatif sur cette liste et sa signification réelle.

D'abord elle est de plus en plus longue et on se demande parfois pourquoi tel site ou telle tradition fait l'objet d'un classement, plutôt que d'autres.

Puis il est évident que le monde occidental se taille la part du lion et que c'est le tourisme de masse qui est la cible : cela me rappelle quand, en 1964, l'Unesco débattait gravement du tourisme culturel comme moyen de sauver le patrimoine. On a compris depuis les dommages que ce tourisme cause tant au patrimoine lui-même qu'aux populations des territoires dits "d'accueil".

Il paraît que l'Unesco menace de retirer son "label" à la Vallée du Douro si les viticulteurs modernisent leurs techniques et changent le mode traditionnel de construction des terrasses qui portent les rangs de vigne. La fréquentation touristique est-elle plus importante que le vin de Porto pour l'économie locale ?

Je viens d'entendre parler d'un cas qu me paraît parfaitement scandaleux : l'Ile de Mozambique, sur la côte du pays du même nom, a été classée en 1991 au patrimoine de l'humanité (ville, monuments et 3 musées). Il s'agit d'un patrimoine essentiellement portugais, donc européen, dont la responsabilité et l'entretien revient à un pays extrêmement pauvre, qui sort de 2 guerres, une coloniale et une civile. Comment demander à ce pays, qui possède 14 autres musées, de consacrer une part, même minime, de son budget culturel au patrimoine de l'ancien colonisateur ? Ne faudrait-il pas se demander si les patrimoines vivants du Mozambique ne sont pas plus importants pour l'humanité, et en tout cas pour la population du pays ?

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5 octobre 2011 3 05 /10 /octobre /2011 17:34

 

De passage à Lisbonne, du 26 au 29 septembre, pour une rencontre des musées des pays et communautés de langue portugaise, j'ai visité le nouveau musée de Batalha, très original et qui apportera certainement, dans quelques années, de nombreux enseignements sur la gestion du patrimoine au niveau municipal. Voici pourquoi :

- il existait auparavant un petit musée associatif, de type ethnographique, sans prétentions, mais véritablement communautaire. Il aurait pu disparaître. En réalité, il a été étroitement associé à la création du musée municipal nouveau, et il est totalement respecté et complète même son "concurrent" plus moderne.

- le musée municipal, au centre ville, permet de redonner aux habitants une identité propre, une histoire et un patrimoine qui étaient obscurcis par la présence du "Mosteiro da Batalha", un monument considérable, inscrit au patrimoine de l'Unesco, qui attire des foules de touristes. Le musée n'est pas créé sur une collection : il a constitué son exposition permanente à partir d'objets appartenant à la municipalité, provenant de fouilles et surtout prêtés par des habitants.

- il y a en outre un réseau de sentiers de randonnée, thématiques et de découverte, qui permettent de connaître à pied tout le territoire municipal et ses paysages.

- du point de vue de la gestion quotidienne, le musée fait l'objet de la rédaction d'un considérable "mode d'emploi", qui donne au personnel, salarié comme volontaire, toutes les indications nécessaires pour accueillir le public, éteindre et allumer les lumières, enregistrer les objets, etc. Des centaines de pages, très précises, rédigées collectivement par l'équipe, que bien des musées plus riches pourraient lui envier.

On verra comme ce musée vit et évolue.

 

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24 septembre 2011 6 24 /09 /septembre /2011 15:28

J'ai eu la chance d'être invité, entre le 8 et le 12 septembre, à une rencontre d'écomusées à Argenta (province de Ferrare, région d'Emilie-Romagne, Italie). Il s'agissait d'accompagner une innovation: la participation massive d'écomusées italiens et des productions de leurs territoires à une foire commerciale importante, celle de la ville d'Argenta. L'écomusée local, organisateur de la manifestations, est un exemple remarquable de mise en relation d'un patrimoine avec la communauté et le territoire (link).

Je tire de cette courte visite plusieurs observations:

 

- Le delta du Po est un phénomène passionnant d'assainissement volontaire d'une vaste région marécageuse pendant la première moitié du 20° siècle, qui a permis l'éradiquer la malaria et de transformer un paysage humide inondable en un territoire de culture intensive (céréales, soja, fruits); le pompage de l'eau, qui doit se faire de façon permanente et étroitement contrôlée, est assuré par un consortium d'économie mixte (link) qui associe l'Etat, les collectivités locales et les agriculteurs.

 

- La ressource naturelle de ce type de territoire est la roselière, qui doit être coupée régulièrement pour dégager le sol et pour permettre l'épuration des eaux. Les roseaux coupés offrent une matière première pour de nombreux usages: fabrication de paniers, cordes, paillasses, nattes pour l'isolation des murs, décoration architecturale extérieure et intérieure, toitures en chaume,  etc. Mais le problème se pose de leur récupération. Dans le delta du Po, les roseaux sont broyés, donc perdus. A Villanova (commune de Bagnacavallo), un village proche d'Argenta, il existait une production considérable, artisanale, d'objets à base de roseaux (erbe palustre); c'était une activité surtout de femmes, mais elle est actuellement abandonnée. Il ne reste qu'un musée très riche en collections d'objets provenant de cette activité. Est-il envisageable de recréer certaines activités qui seraient économiquement rentables (nécessité d'une forte valeur ajoutée pour compenser les coûts de récolte et de main d'oeuvre) et qui fourniraient des emplois.

 

- Plus loin, entre Ravenne et Rimini, sur la côte Adriatique, la petite ville balnéaire de Cervia recèle deux trésors: une saline encore partiellement exploitée à la main par une association de volontaires passionnés et un centre-ville historique entièrement construit pour la saline, au 17° siècle. C'est un quadrilatère anciennement fortifié avec quatre portes sur les axes, au milieu duquel se trouvent une grande place, un palais communal et une cathédrale. Autour, des "hôtels particuliers" étaient réservés aux cadres de la mine et aux autorités locales; à la périphérie, contre le mur d'enceinte se trouvaient les logements, généralement abandonnés ou dégradés aujourd'hui, des ouvriers du sel. C'est un ensemble beaucoup plus ancien, plus spectaculaire et plus vivant que Arc-et-Senans et cela mériterait bien plus d'être inscrit au patrimoine de l'Unesco. Malheureusement, une grande partie de cette "cité" est dans un triste état et on ne voit pas, localement, comment la restaurer. Un écomusée installé à l'extérieur de la cité, dans un énorme bâtiment historique superbe, ancient dépôt de sel, présente l'histoire et les techniques de l'exploitation du sel (link).

 

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16 septembre 2011 5 16 /09 /septembre /2011 15:07

 

Contribution à : Ecomuseologia. Interpretare e valorizzare il patrimonio immateriale oggi

 


Introduction

 

Nous partirons du principe, qui est actuellement reconnu valable, et opérationnellement efficace, selon lequel tout territoire possède deux ressources à prendre en compte dans les stratégies et les programmes de développement: la ressource humaine et la ressource patrimoniale, qui constituent ensemble l'essentiel du capital du territoire et des communautés humaines qui l'habitent. Le patrimoine matériel (paysage, cadre bâti, monuments, productions et biens physiques individuels et collectifs) peut être assez facilement identifié et mis en valeur, autant que possible avec la participation de la population qui en est détentrice et usagère, donc responsable. Par contre, le patrimoine dit "immatériel", qui est présent au sein de la communauté et de chacun de ses membres, est beaucoup plus difficile d'accès, de compréhension et d'usage. Il n'est pas figé et prend des sens différents selon les regards qui ont portés sur lui.

 

Pourtant, ce patrimoine immatériel est une richesse extraordinaire pour le développement, dans la mesure où il imprègne toute la vie et la culture de la communauté, constitue une bonne part de son identité et de celle du territoire, enfin conditionne souvent le succès ou l'échec de toutes les actions qui sont ou qui seront menées.

 

Or il est encore trop souvent déformé et trahi, selon deux processus pervers et contradictoires:

  • pour les chercheurs, il est d'abord un objet d'études scientifiques, source d'articles, de livres, de thèses dont les principaux intéressés, les détenteurs réels, sont exclus ou simplement réduits au rôle d'informateurs;

  • pour les entreprises du secteur touristique, le même patrimoine est traité comme du folklore et les membres de la communauté peuvent vite devenir des marionnettes à qui l'on fait jouer des rôles convenus devant un public payant.

 

Je voudrais ici, à partir de mon expérience de terrain, aussi bien professionnelle comme consultant et observateur que personnelle comme acteur, réfléchir à la signification réelle du patrimoine immatériel pour le développement local et pour l'agent de ce développement, qu'il soit élu, fonctionnaire territorial, animateur de terrain, responsable associatif, ou simplement membre actif d'une communauté, engagé dans une dynamique collective d'amélioration du cadre de vie, ainsi que d'utilisation et d'expansion conjointes du capital culturel, social et économique du territoire.

 

 

Lire la suite...

Qu'est-ce que le patrimoine immatériel pour le développeur ?

 

Je ne veux pas définir une fois de plus le patrimoine immatériel et ses composantes, mais il me semble utile d'en reprendre les principales catégories pour décrire ce qu'elles représentent pour moi et pour de nombreux collègues qui agissent sur des territoires. Je prendrai quelques exemples concrets pour mieux faire comprendre leur rôle dans les processus de développement.

 

Les croyances

Des convictions aux pratiques religieuses, des légendes et des superstitions aux appartenances spirituelles ou sectaires, de l'athéisme à la libre pensée, des principes moraux hérités aux valeurs de la laïcité, nos communautés humaines connaissent toutes ces formes de croyances qui conditionnent, de manière généralement inconsciente, les comportements quotidiens et de nombreuses décisions, y compris politiques.

Nous sommes ici au sommet du patrimoine immatériel, le plus intime et le plus privé, mais qui se reflète quotidiennement dans la vie sociale. Il n'est pas négociable, ni modifiable, mais on doit en tenir compte, et aussi se rendre compte de ses évolutions très lentes, liées à la culture dominante, qui dépendent du passage des générations et d'influences sur lesquelles nous n'avons aucun pouvoir, du moins localement.

La diversité des croyances est aussi source de conflits, d'incompréhensions, de création de groupes de pression qui viennent troubler la logique des plans et des programmes élaborés par des techniciens compétents, sur des bases objectives.

De nombreuses décisions, de caractère social ou économique, sont conditionnées, qu'on le veuille ou non, par de tels facteurs, subjectifs et irrationnels. Dans la France contemporaine, des dizaines de milliers d'églises ou de chapelles rurales, dont l'entretien est à la charge des municipalités, ne sont pratiquement plus utilisées pour le culte mais, malgré le recul de la pratique religieuse, restent intouchables: on ne peut ni les détruire, ni les laisser tomber en ruines, ni leur donner une utilisation profane, car la grande majorité de la population est attachée à ce symbole religieux du passé.

 

La mémoire longue

Je veux parler de la mémoire des choses du passé lointain, la mémoire historique, telle qu'elle est transmise entre les générations, plus ou moins corrigée par l'enseignement officiel et par la littérature populaire. Elle est indispensable, pour ancrer un territoire dans la continuité des siècles, dans l'identité régionale et nationale; on est obligé souvent d'y faire référence pour justifier une décision, une interdiction, une appellation (par exemple pour donner son nom à une rue, à un lotissement), le classement d'un site ou d'un monument.

Mais elle est aussi un facteur d'immobilisme, une source d'arguments négatifs, dès lors que l'actualité risque de porter atteinte à une idée du passé qui serait proprement réactionnaire. C'est ainsi que la modernisation du tissu économique local est parfois ralentie ou empêchée par l'attachement à des activités traditionnelles: dans de nombreuses régions d'Europe, la mémoire culturelle des populations minières a ainsi ralenti la reconversion des bassins houillers et l'implantation de nouvelles activités.

Il en va de même pour les attitudes des autochtones européens face à l'immigration économique venant des pays anciennement colonisés: la mémoire des siècles de domination et même du commerce d'esclaves dévalorise des populations entières et empêche une gestion juste et équitable des flux migratoires. On peut dire aussi que 14 siècles de rivalités religieuses, guerrières et commerciales entre l'Europe chrétienne et les empires musulmans d'Afrique du Nord et du Proche Orient exercent une influence inavouée mais réelle sur les relations réciproques entre Etats et entre peuples.

 

La mémoire contemporaine

C'est la nôtre, qui se rattache à celle de la génération qui nous précède. Elle tient compte de choses qui restent très vivaces affectivement, comme la dernière guerre mondiale, les guerres coloniales, les crimes du racisme, du nationalisme et des dictatures, les mouvements néo-fascistes, ou même le souvenir des catastrophes naturelles ou des crises sociales de notre temps.

Dans de nombreux territoires, ce sont des facteurs importants qui conditionnent la réactivité des communautés, qui influent sur les attitudes positives ou négatives face au changement. Parfois, les intervenants extérieurs sur un territoire ne sont pas conscients de leur importance réelle, dans les consultations ou concertations qu'ils doivent mener sur le terrain.

Au niveau du village, les relations entre familles et clans locaux, les conflits héréditaires et les alliances matrimoniales font partie du contexte de la paix locale et de la coopération de voisinage. Il faut les connaître et ne pas les sous-estimer.

En milieu urbain, un phénomène analogue se passe au niveau du quartier ou du collectif d'habitations. Pour qui s'est occupé de programmes de régénération urbaine, il est évident que la mémoire des premiers occupants d'un immeuble ou d'un quartier (amélioration de la qualité de la vie et du statut social) est déterminante pour la définition d'un programme de réhabilitation ou de démolition, mais à la condition d'être associée à celle de la nouvelle génération et de sa situation sociale et économique (chômage, marginalité). Le souvenir d'une "bavure policière" dans un quartier pourra durablement rendre inopérantes les mesures sociales les plus généreuses.

 

Les compétences d'usage et les savoirs

Nous nous trouvons là au cœur de ce patrimoine immatériel qui nourrit le développement local, dans sa phase participative. Savoirs professionnels et compétences transmises de père en fils et de mère en fille, métiers exercés par les différents membres de la communauté, connaissances empiriques ou savantes de certains habitants, même les savoirs de nouveaux habitants qu'ils ont apportés avec eux, tout cela est extrêmement utile au développement local et peut être mobilisé à tout moment dans le cadre de telle ou telle action, ou sous la forme de conseil ou de suggestion. Ils peuvent aussi donner naissance à des initiatives, des projets endogènes, des créations d'activités économiques.

C'est un inventaire que tout développeur devra faire et mettre sans cesse à jour, puis qu'il devra être capable d'exploiter le moment venu.

Dans 600 villes françaises, en Belgique, au Maroc, au Sénégal, les "réseaux d'échanges réciproques de savoirs" (RERS)1 constituent un facteur essentiel de développement endogène en suscitant un mouvement de coopération entre membres de la communauté locale, par l'identification et le partage de ces savoirs qui existent et ne doivent pas rester inutiles. Pour le développeur c'est la source de dynamiques et de coopérations qui dépassent de loin les intérêts individuels des participants.

La vie associative, qui est un des éléments fondamentaux du capital social, est basée, non seulement sur les intérêts sectoriels des citoyens, mais aussi sur la mise en commun des compétences et des efforts de ceux-ci, autour de leurs besoins et de leurs enthousiasmes. Le développeur apprendra à l'utiliser, à combiner leurs moyens et leurs énergies: lors de la fondation de l'écomusée du Creusot-Montceau, au début des années 70, nous avions réussi à obtenir l'engagement de 250 associations, à qui nous demandions seulement de mettre symboliquement 5% de leur potentiel au service du projet de musée.

 

Les parentés, les voisinages

Même sans faire appel à des facteurs génétiques, il existe un patrimoine familial complexe à l'intérieur de chaque communauté et entre les communautés voisines. On l'a déjà noté, les relations quotidiennes à l'intérieur des groupes humains et les réactions en cas de crise ou devant des actions ou des décisions imprévues dépendent de ce patrimoine: les calculs les mieux établis, les projets les plus soigneusement élaborés peuvent se heurter à des impondérables venus d'éléments enfouis dans la toile de la micro-société.

Ce sont des relations qui ne sont pas de classe, au sens de la lutte des classes décrite par le marxisme, mais qui dépendent de hiérarchies subtiles, d'histoires "de famille". C'est aussi valable, bien que pas à la même échelle, en milieu rural qu'en milieu urbain, et aussi dans les espaces péri-urbains où la population est composée de couches successives d'arrivants issus d'origines très diverses. C'est ainsi que, vers 1990, dans la banlieue Nord de Lisbonne, les stratégies de développement culturel et social devaient tenir compte des habitants autochtones (ceux des villages ruraux qui avaient été intégrés dans le tissu urbain), des nouveaux arrivants ruraux venus du Portugal intérieur, des jeunes ménages du centre de Lisbonne attirés par les loyers modérés, des rapatriés portugais des colonies africaines, des immigrés africains venus de ces mêmes colonies. Chaque catégorie avait ses propres codes culturels et familiaux, ses langages affectifs et en général tout un patrimoine immatériel propre qui devait être pris en compte pour toute action lancée par les pouvoirs publics ou par les associations.

C'est dans ce même cadre que doivent se placer les actions de solidarité, lesquelles vont sans doute devoir respecter les clivages entre groupes sociaux, tout en les transcendant.

 

Les pratiques de la vie quotidienne, héritées ou nouvelles

Corollaire de ces questions de famille et de parenté, on trouve toutes les pratiques héritées de la culture vivante des gens, plus ou moins modifiées, appauvries ou enrichies par les apports exogènes de la culture normalisée telle qu'elle est véhiculée par les médias et par l'éducation publique. On citera par exemple, les habitudes culinaires et diététiques, les pharmacopées, les contes, musiques, chants et danses traditionnels, les habitudes, la politesse et le savoir-vivre, les jeux des enfants comme des adultes.

Ici encore, il s'agit d'un fonds riche et multiple de coutumes et surtout de pratiques qui constituent la base de la vie quotidienne, une source de revenus (la gastronomie), de loisirs (la musique ou les jeux), un moyen d'éducation et de transmission entre générations (des automatismes acquis dans l'enfance, la relation aux morts).

Même si ces pratiques appartiennent essentiellement à la vie intime, à la sphère privée, elles influent souvent sur la sphère publique, ne serait-ce que parce qu'elles génèrent des rythmes distinctifs qui structurent la vie de la communauté et de ses diverses cellules familiales et relationnelles. Or le respect des rythmes de la vie locale est un des paramètres principaux de toute stratégie de développement. J'en veux pour exemple le mouvement actuellement très fort en Italie sous le nom de "slow food", qui tente de mettre un frein à la tendance au "fast food", une évolution naturelle de la culture de consommation au contact des modes diététiques américaines.

 

Les langages

Toute communauté parle une grande diversité de langages, avec parfois des accents particuliers, selon les origines sociales, professionnelles, ethniques, et selon les générations. Au delà de l'intérêt proprement linguistique et anthropologique de ces différences, on se trouve là devant un véritable problème de communication, dès lors que l'on souhaite informer la population, en recueillir des avis et des opinions, et encore plus si l'on souhaite la faire participer réellement à des décisions et à la mise en œuvre d'actions.

La présentation de projets d'aménagement en milieu rural par des ingénieurs venus de la ville donne souvent lieu à des malentendus qui peuvent se conclure par des conflits locaux et des retours en arrière, voire des annulations de programmes. De même, en ville, la réhabilitation d'un quartier peut donner lieu à un "dialogue de sourds" en raison d'une mauvaise explication des enjeux et des solutions proposées. Chaque fois, l'une des causes de l'échec, sinon la seule, est l'incompréhension mutuelle due à une mauvaise maîtrise du langage de "l'autre".

On a alors besoin d'interprètes lors des réunions, ou de traducteurs pour les rapports d'étude et autres documents de travail. Et les équipes de terrain doivent être en quelque sorte polyglottes, pour pouvoir être comprises en temps réel par leurs interlocuteurs.

 

Le capital social

Enfin, ce que l'on appelle le "capital social", c'est-à-dire l'ensemble des relations qui agissent à l'intérieur de la communauté – associativisme, coopération, solidarité, confiance en soi et auto-estime, individuelle et collective – est évidemment la résultante de l'ensemble des forces positives qui agissent à l'intérieur de celle-ci.

Ce capital est à construire et il deviendra le socle du développement soutenable, car ce dernier bénéficiera ainsi de l'ensemble du patrimoine immatériel mis en œuvre de manière dynamique. Mais cette co-construction est un exercice difficile, car de nombreuses forces s'y opposent, notamment l'individualisme, les conflits d'intérêts particuliers, certaines idéologies, etc.

Les cas les plus achevés de programmes Leader, depuis 25 ans, ont montré comment aboutir à la création de ce capital social en milieu rural: je citerai en particulier le Maestrazgo (Aragon, Espagne2) et la Serra d'Algarve (Portugal)3. En milieu urbain, on connaît également des exemples de développement social local, notamment en Grande Bretagne. Divers cas européens ont été analysés dans le cas du Conscise Project4. C'est la démonstration de la contribution du capital culturel que représente le patrimoine (immatériel) au capital global du territoire.

 

Solidarités entre le patrimoine immatériel et le patrimoine matériel

En réalité, il n'existe qu'un patrimoine, qu'il prenne une forme naturelle ou culturelle, matérielle ou immatérielle.

Tout élément de patrimoine matériel comporte une dimension immatérielle: parmi les monuments historiques classés ou les sites, dans les objets de musée, chacun est porteur et support de sens, d'histoires, de significations, non seulement pour les savants et les spécialistes, mais aussi pour les habitants voisins, pour certains visiteurs motivés, qui se rattachent à leur patrimoine immatériel individuel ou collectif. Les autres éléments du patrimoine physique, une croix de chemin, une collection de photos de famille, un paysage agricole, un immeuble urbain, ont aussi leurs significations, plus ou moins affectives, plus ou moins partagées dans la communauté. Et l'interprétation de tout ce patrimoine nécessite la contribution des mémoires, des usages, des apports subjectifs de nombreuses personnes. Elle ne peut être réservée aux seuls experts extérieurs, aussi compétents soient-ils.

C'est pour ces raisons que l'on peut douter de la validité et de l'utilité autre que touristique de musées qui présentent des collections soi disant représentatives des cultures locales: tous ces objets n'ont plus leur contenu immatériel, ou bien ce contenu leur est attribué par des personnes qui se disent spécialistes et affirment connaître suffisamment leurs significations5. Or de tels objets, parce qu'ils ne vivent plus de leur vie originelle, sont morts. On pourrait en dire autant de ces œuvres religieuses, fruit de la piété des générations passées, qui se trouvent maintenant montrées, pour leur rareté ou leur valeur esthétique, à des publics incapables de comprendre leur sens profond. Le "son et lumière" du retable baroque de Peillonnex en Haute Savoie6 rassemble toutes les données religieuses, culturelles et artistiques qui permettent de comprendre l'œuvre et son cadre : sans lui le retable demeurerait largement incompréhensible dans toute sa profondeur. Mais il est une exception.

 

De même, une grande partie du patrimoine immatériel a besoin, pour exister réellement, de représentations matérielles: la pratique religieuse nécessite des lieux adaptés, une recette de cuisine passée de génération en génération a besoin de produits et d'instruments plus ou moins traditionnels. Le savoir-faire des éleveurs fromagers du Beaufortain (Savoie, France) n'aurait pas de sens sans ces éléments bien concrets que sont l'alpage et son paysage, les vaches laitières de race tarine ou abondance, la coopérative construite patiemment par les éleveurs réunis. Et toutes ces composantes tout à fait matérielles du patrimoine beaufortain ne pourraient atteindre leur plus haut niveau de contribution au développement sans le savoir des producteurs de beaufort, le dernier et le plus rare des fromages de gruyère7.

 

 

A quoi sert le patrimoine immatériel ?

 

Tentons maintenant de regarder, toujours avec l'œil et le point de vue du développeur, la place et les rôles du patrimoine immatériel dans l'action de développement. Nous en avons déjà vu plusieurs aspects, mais il faut les compléter, les regrouper et les classer.

 

Le cadre culturel du développement

Tout processus de développement se déroule au milieu du patrimoine de la communauté, qu'il soit matériel ou immatériel. Mais alors que le patrimoine matériel se voit, peut facilement et progressivement être identifié, inventorié, étudié, faire l'objet d'un bilan patrimonial8, la partie immatérielle, par définition, échappe à la quantification et à la formalisation, sauf à rechercher des critères d'identification au second degré (par exemple l'impact économique de la mise en œuvre ou de la renaissance des savoir-faire artisanaux traditionnels spécifiques à un territoire donné).

Par contre, comme je l'ai déjà signalé à plusieurs reprises, toute action de caractère culturel, social ou économique, portant sur un territoire et sur une communauté, devra tenir compte de facteurs immatériels de type patrimonial. Et il sera impératif de les connaître, de les respecter, de connaître leurs éventuelles interactions, de prévoir les effets de chaque mouvement sur tel ou tel d'entre eux, avec les réactions qui en découleront et auront un effet positif ou négatif sur les résultats obtenus. On est déjà là dans le domaine de la recherche de soutenabilité.

Certains de ces facteurs seront en effet potentiellement ou réellement positifs, en ce qu'ils favoriseront les dynamiques de changement et de mobilisation des énergies locales. C'est le cas des savoirs, de ce qui constitue l'auto-estime (confiance en soi), la capacité d'initiative, ou encore la créativité héritée du passé de certaines familles ou de certaines professions. Certaines communautés traditionnellement riches en artisanat utilitaire ou artistique ont une capacité d'adaptation au changement et à l'invention de nouvelles formes, dès lors qu'une formation adéquate leur est apportée. Une expérience récente dans des communautés autochtones du Québec et dans des communautés Guarani du Brésil (Etat de Rio) a montré la vitalité créative de membres de ces communautés qui étaient capables rapidement d'absorber des connaissances nouvelles (telles que le design ou les média audio-visuels) et de les appliquer à des créations matérielles.

On rangera parmi les mêmes facteurs positifs, la capacité de s'associer et de coopérer, que l'on trouve par exemple dans les régions industrielles et minières qui ont une longue tradition de solidarité, de syndicalisme, de fierté du métier, de fêtes locales.

 

D'autres éléments sont plutôt négatifs, ou doivent être contournés pour ne pas gêner le bon déroulement des programmes de développement. C'est la somme de tous les préjugés, des blocages, dus au conservatisme qui va avec l'accent mis sur le patrimoine. En effet, plus on insiste sur la "valeur" de l'héritage, plus ses détenteurs veulent le conserver: d'où le danger du conservatisme, qui se transforme souvent en passéisme. Ceci se concrétise encore plus nettement lorsque certains membres d'une communauté, souvent les derniers arrivés et les plus "cultivés", cherchent à s'approprier un patrimoine (matériel ou non) dont ils ne sont pas les héritiers directs. J'ai connu, dans le milieu rural, de nombreux exemples de villages dont le développement naturel était bloqué par les exigences de quelques "résidents secondaires" d'origine urbaine, désireux de refuser tout changement dans un environnement qu'ils avaient choisi pour des raisons esthétiques, sentimentales ou écologiques.

Enfin, il y a des éléments que l'on peut considérer comme neutres a priori, car ils peuvent devenir positifs ou négatifs, selon l'usage qui en est fait et les objectifs qui leur sont attribués. C'est principalement le cas du langage et de la tradition. Le langage (un dialecte, un patois, un accent, des phénomènes d'illettrisme) peut être, on l'a vu, un obstacle à la communication, un enfermement identitaire, un symbole d'arriération culturelle, un prétexte à rejet de nouveaux membres de la communauté qui ne le pratiquent pas. Mais il peut être aussi un facteur de fierté et un véhicule du capital social communautaire, comme ce fut le cas dans certaines régions irlandaises il y a vingt ou trente ans, ou bien pour le Pays Basque espagnol et français, avec les initiatives de développement économique basées sur la culture vivante, les traditions de coopération et la langue basque9.

De même la tradition, cultivée comme une religion intangible, peut-être un frein à tout changement et marquer la prépondérance d'une génération tournée vers le passé et la nostalgie. Elle peut aussi être un terreau sur lequel vont pousser des idées nouvelles: c'est par exemple ce que tentent de faire les Sami (lapons) du Nord de la Suède, autour du musée de Jokkmokk et ce que l'Inde a fait depuis cinquante ans pour l'essor des savoirs artisanaux, selon la volonté de Gandhi, avec les "cottage industries".

 

Une source d'inspiration pour le développement

Le processus du développement local doit d'abord être endogène et ne pas se limiter à sa seule dimension économique, voire même étroitement touristique, comme c'est trop souvent le cas. L'ensemble des composantes du patrimoine immatériel constitue donc, avant même le patrimoine matériel, le fonds dans lequel le développeur, élu ou technicien, va puiser pour choisir les matériaux de son action.

Tout d'abord, il s'appuiera sur ce patrimoine pour effectuer l'indispensable diagnostic, ou évaluation ex-ante, préalable à toute planification. Il devra en faire l'inventaire aussi précis que possible, quantitatif et qualitatif. De là il passera à l'élaboration de la stratégie, en y incorporant les facteurs dont nous avons vu qu'ils pouvaient être ou devenir positifs et constructifs.

Chaque élément de patrimoine est aussi susceptible de devenir, seul ou en association avec d'autres au avec des nouvelles idées, la base d'une action ou d'un programme. Les municipalités portugaises de l'intérieur ont ainsi transformé leurs fêtes religieuses locales (petits pèlerinages, fêtes patronales), leurs danses et leurs jeux traditionnels en moyens à la fois de rattacher leurs émigrés à la terre d'origine et d'attirer des touristes à la recherche d'exotisme.

Endogène, le développement doit bénéficier de la participation de la population, ou du moins des plus actifs des citoyens. Le patrimoine immatériel, qui est familier à chaque habitant, est un excellent prétexte pour amener cette participation. Il ne peut pas faire peur, il s'exprime dans le langage commun: on peut alors utiliser la méthode que j'appelle des "actions-prétexte". Cela consiste à lancer un petit projet local, très lié à la culture vivante et au patrimoine, pour en confier la responsabilité et la mise en œuvre à des groupes d'habitants volontaires. L'objectif principal n'est pas celui qui est fixé officiellement à l'action, il est de donner aux participants de celle-ci le sentiment de leur responsabilité et de leur capacité de réussir par eux-mêmes, là où habituellement ce sont des professionnels salariés qui agissent.

C'est ainsi que j'ai suscité, il y a trente ans, dans une petite vallée proche de Paris, la création d'un itinéraire pédagogique de découverte, qui a été réalisé par une quinzaine d'habitants d'un village, sous le prétexte d'apprendre à des touristes parisiens à respecter l'environnement et les travaux agricoles. Le travail a consisté à rassembler les connaissances "patrimoniales" de chacun des membres du groupe sur les différents points du territoire. Cet itinéraire existe toujours, mais surtout cette opération qui a duré environ un an a provoqué la formation de dix associations spontanées dans la population du village. J'ai utilisé la même méthode de nombreuses fois depuis, avec le même résultat, réellement "endogène".

Autre effet de la démarche partant du patrimoine immatériel et de ses détenteurs au sein de la communauté: le repérage et la mobilisation des principaux leaders communautaires, qui vont ensuite être utilisés comme acteurs privilégiés du processus de développement. Ces leaders sont évidemment ceux qui ont le rapport le plus étroit au patrimoine local, matériel et immatériel, dont ils sont parfois eux-mêmes les propriétaires ou les héritiers. Et ce sont eux qui porteront, en grande partie les dynamiques du développement.

 

Des ressources concrètes

Enfin, ce patrimoine immatériel peut être matérialisé pour servir de matériau aux programmes de développement:

  • naturellement toute la production directement vendable, sur place, dans les circuits commerciaux traditionnels, ou par Internet: produits agricoles, gastronomiques, artisanaux

  • suite à l'inventaire, à la recherche et à la mobilisation des talents et des compétences locaux, des publications: livres, articles, albums, CD, films

  • des expositions temporaires, itinérantes, des dossiers et des mallettes scolaires

  • des spectacles à présenter localement ou au dehors

  • des programmes touristiques pour divers publics

  • des produits de promotion, facteurs d'image interne et externe

Il n'est pas nécessaire de développer et de commenter ces différentes catégories de produits. J'insisterai seulement sur le principe selon lequel c'est la diversité qui permet d'optimiser le résultat en termes de développement quantitatif et qualitatif: il ne suffit pas de viser le tourisme, ou le public scolaire, ou la population locale, ou les personnes âgées. Il faut envisager l'ensemble de la "clientèle" potentielle, dans le temps et dans l'espace. Il faut aussi se livrer à des analyses de coûts et de bénéfices, de valeur ajoutée, d'impact sur la qualité de la vie locale et sur l'environnement, de formation des acteurs, de communication et de travail en réseaux.

Toute une ingénierie est nécessaire pour tirer le meilleur parti de ces opportunités: les services culturels traditionnels ne sont pas équipés pour cela; ils n'ont pas de compétence de management et leur objectif est culturel, donc très loin des logiques économiques. Seule une structure qui peut combiner le culturel, le social et l'économique sera capable de jouer ce rôle. Nous verrons plus loin à quelles conditions le musée peut être cette structure.

 

 

La question de la propriété

 

Le patrimoine matériel, protégé ou non, relève d'un droit de propriété relativement simple et clair: on sait qui possède tel bien et qui en a la jouissance. Reste à définir quel droit moral la communauté a collectivement sur l'ensemble du patrimoine du territoire, y compris le paysage.

Le patrimoine immatériel est beaucoup plus flou, diffus, et ne relève pas du droit formel. Il résulte d'une évolution longue, d'une alchimie subtile, à laquelle des générations et de très nombreux individus ont contribué. Il faut donc tenter d'apporter des réponses qui ne pourront être que multiples et complexes.

 

La propriété du patrimoine immatériel

Elle peut être individuelle, familiale ou clanique et se transmet de génération en génération, recevant des enrichissements et des altérations à chaque passage de témoin, pouvant même disparaître par oubli, extinction ou déformation radicale. Il n'en reste pas moins que ce patrimoine est en relation avec l'ensemble de la communauté locale, voire régionale ou même nationale, car il est relié à des mécanismes de classe, de voisinage, de culture qui renforcent à la fois sa signification et sa protection. Il en est ainsi des "secrets" de fabrication de certains artisans ou cuisiniers, comme de la connaissance du lieu où l'on peut trouver telle famille de champignons. Cette propriété n'est pas habituellement remise en cause, mais elle peut poser un problème déontologique, ou juridique, si l'on s'avise de l'exploiter à des fins éducatives, culturelles ou économiques.

Outre l'intérêt que ce patrimoine "privé" peut présenter pour la communauté, il existe également un patrimoine réellement communautaire, partagé par tout ou partie de la population du territoire, voire même par celle des territoires voisins. C'est le cas par exemple des musiques, des légendes et des danses traditionnelles, des modes d'exploitation des terres et d'élevage des bestiaux. C'est aussi celui des pèlerinages locaux, qui appartiennent à tous les croyants d'une religion donnée.

Individuel ou collectif, il faut aussi mentionner les éléments de patrimoine qui sont introduits sur le territoire par de nouveaux arrivants, comme des modes de vie urbains en milieu rural, ou des traditions exogènes en musique ou en gastronomie apportées par des étrangers, surtout les étrangers arrivés en nombre de territoires éloignés mais riches aussi en patrimoine qu'ils apportent avec eux. Je me souviens de la conquête immédiate de la population de mon village par la mode du méchoui et du couscous, suite au séjour pendant deux ans d'ouvriers algériens employés sur les chantiers d'une autoroute. Le Brésil est un exemple frappant de pays où les immigrations successives d'Europe ou du bassin méditerranéen, voire du Japon, sans parler de l'Afrique ont laissé leur marque sur la nourriture, sur le folklore, sur les pratiques religieuses.

Il faut naturellement distinguer droit de propriété juridique, difficile à formaliser pour l'immatériel, et droit de propriété morale, une notion essentiellement culturelle, affective, psychologique, mais néanmoins forte, d'autant plus qu'elle n'a pas de dimension économique immédiate et qu'elle touche au plus intime des gens, individus, groupes ou communautés. Dans tous les cas ce droit existe et doit être reconnu et respecté.

 

Respecter le droit de propriété

On entre ici dans un domaine très délicat, qui ne m'est pas familier professionnellement, mais qu'il faut explorer, car le patrimoine immatériel est trop souvent l'objet d'abus divers, que le droit positif ne prévoit pas ou qui ne sont pas réprimés en raison de la concurrence d'intérêts "nobles", comme la culture et l'intérêt scientifique. Je distinguerai, en première analyse et comme une incitation à la réflexion et à la recherche des étudiants et chercheurs, surtout juristes:

 

  • un droit d'auteur, qui appartient selon les cas à la communauté collectivement ou à ses membres individuellement; il devrait être soumis aux mêmes règles que le droit d'auteur reconnu aux artistes créateurs ou aux écrivains. Ainsi l'auteur d'un bien immatériel, non écrit ou non figuré, devrait avoir un droit de regard sur l'utilisation publique, non commerciale ou commerciale, qui est faite de son bien, qu'il s'agisse d'une représentation, d'une exposition, d'une publication, etc. Et le partage des fruits de cette utilisation devrait être équitable: il n'est plus possible d'accepter que des labels musicaux exploitent librement à leur seul profit des musiques ou des chants recueillis sur le terrain, sans contrepartie sérieuse pour les autochtones. Il ne devrait pas être possible, non plus, de laisser un anthropologue publier sous son nom des travaux dont l'essentiel de la matière aura été extraite de communautés sans que celles-ci aient un droit de regard sur les conclusions qui en sont tirées.

  • un droit d'interprétation, qui appartient aux chercheurs, aux animateurs, aux communicateurs, dans le respect de ce qui précède, avec en symétrie, l'engagement d'une responsabilité personnelle forte, susceptible d'être mise en cause pénalement, sur le sens qui est donné aux biens immatériels concernés, dans leur relation à leurs cultures d'origine.

  • un droit d'exploitation, qui appartient aux programmateurs et aux agents de développement, mais qui est limité par les éventuels recours des auteurs, lorsque ceux-ci s'estimeront trahis ou lésés intellectuellement, ou bien si leur bien était utilisé au détriment de leur communauté ou de certains de ses membres.

 

Dans les années 1970, l'Ecomusée du Creusot-Montceau avait établi un règlement des recherches menées par des équipes universitaires sur le territoire, concernant évidemment surtout le patrimoine immatériel. Ce règlement prévoyait que tout projet de recherche serait conduit avec des associés volontaires locaux et que les publications finales seraient obligatoirement signées par ces collaborateurs locaux au même titre que par les chercheurs. J'ai été témoin de la difficulté de faire appliquer ce règlement, qui a d'ailleurs été très vite abandonné, les chercheurs considérant habituellement les habitants plus comme des informateurs indigènes que comme des collaborateurs égaux en dignité.

 

Le cas particulier du spirituel

Je tiens à insister une fois de plus sur la spécificité des biens (matériels comme immatériels) relevant du domaine du sacré, quelle que soit la religion ou la spiritualité d'appartenance. Trop souvent, les professionnels de la culture – et bien des aménageurs – regardent les phénomènes religieux comme de simples expressions culturelles, et les apprécient en fonction de leur beauté, de leur rareté, de leur caractère exotique, ou encore de leur intérêt scientifique "objectif". Si cela s'ajoute à la poursuite d'un objectif touristique en direction de visiteurs étrangers à la culture locale, il y a risque d'aliéner la communauté qui ne peut accepter ce contre-sens.

L'exemple cité plus haut du retable de Peillonex montre qu'il est possible, et profitable pour tout le monde, de combiner histoire de l'art et histoire religieuse en respectant le sens profond et spirituel de l'œuvre. Inversement, combien de concerts de musique dite "sacrée" ne réservent pas la moindre place au sens des textes chantés ou des cérémonies pour lesquelles ces musiques avaient été composées.

Or, le sens religieux d'un rite, d'un pèlerinage, d'une danse, d'un texte liturgique issus de communautés d'Europe, d'Afrique ou d'Asie permet une approche plus profonde de ces manifestations qui sont certes culturelles, mais avec une dimension plus haute pour les croyants locaux.

 

 

 

Des rôles pour le musée

 

Jusqu'ici, nous avons parlé uniquement, ou principalement, du patrimoine naturel ou culturel, sous ses différentes formes, comme une des grandes ressources dont dispose tout territoire pour son développement. Cependant, il ne suffit pas de décrire ce patrimoine et les usages que l'on peut en faire, il faut pouvoir disposer d'un outil institutionnel efficace et adapté, pour mettre en œuvre le patrimoine, en articuler les différentes composantes et les intégrer dans les stratégies et dans les programmes de développement.

De même que le patrimoine, cet outil appartiendra nécessairement à la communauté elle-même. Il devra être flexible, pour suivre les évolutions du territoire et de sa population dans la durée. Il ne devra pas se substituer à la communauté, mais la servir et la représenter. Il sera professionnel et possèdera les équipements et installations nécessaires pour connaître, protéger, mettre en valeur ce patrimoine, assurer son interprétation et sa diffusion.

Cela s'appelle un musée, mais pas n'importe quel musée. En effet, le musée traditionnel, dans ses missions clairement décrites par la définition de l'ICOM, est organisé essentiellement autour d'une collection permanente, inaliénable, qui peut ou non avoir une relation à la communauté ou au territoire, mais qui est sous la seule responsabilité de son personnel scientifique et technique qui est nommé par une autorité supérieure et selon des critères de diplômes, de compétences et de statut. Cette collection a elle-même été sélectionnée en fonction de critères subjectifs et/ou scientifiques, sans aucun rapport avec le développement du territoire ou avec les besoins de la population. Ce musée traditionnel se justifie par des raisonnements scientifiques, de politique culturelle générale, de stratégie touristique, de recherche d'image, mais il ne peut pas offrir les services que l'outil brièvement décrit ci-dessus doit rendre au patrimoine global du territoire. Il a donc fallu inventer autre chose.

C'est ce qui s'est produit dès les années 70 du siècle passé et c'est ce qui se produit encore sans cesse, dans de nombreux pays et sur de nombreux territoires, avec les musées communautaires et les écomusées, dans le cadre du mouvement appelé la "nouvelle muséologie"10. Nous connaissons maintenant suffisamment d'expériences et de réalisations pour pouvoir en tirer des leçons générales, sur les missions, les moyens et les méthodes de "l'outil musée" lorsqu'il est mis au service du développement du territoire et de la communauté au sein desquels il est implanté.

 

Je me contenterai de résumer ici ce qui me paraît essentiel, en laissant à chacun le soin d'affiner ces constatations en fonction des situations locales.

  • Assurer l'inventaire, l'enregistrement et la conservation du patrimoine immatériel (digitalisation), dans une relation de coopération et de confiance avec les détenteurs, les usagers et les ayant-droits moraux de ce patrimoine

  • Transformer en objets des éléments immatériels, pour les étudier, les conserver, les travailler: photos, films, CD, DVD, copies, maquettes, cartes. Ceci ressort plus de la démarche de l'archivage fonctionnel que de celle de la collection au sens muséologique

  • Transformer ensuite ces éléments de patrimoine en discours, soit sous forme originale (gestes, recettes, croyances, chants, légendes), soit sous forme de documents, c'est à dire par des expositions, des itinéraires, des ouvrages, des films et d'autres manifestations, dont le premier public sera la communauté elle-même, avec un droit de regard sur la conception et la réalisation

  • Médiatiser, interpréter, transmettre, par tous moyens, auprès des différentes catégories et classes d'âge de la population, l'ensemble de son héritage

  • Aider à assurer dans de bonnes conditions, culturelles et économiques, l'évolution et la transformation du patrimoine, y compris par son adaptation aux techniques de production et de reproduction actuelles

  • Contribuer au renouvellement de certaines traditions ou à la création de nouveaux éléments immatériels (exemples: relance de jeux et de sports anciens, pratiques de communautés religieuses charismatiques, nouvelles formules culinaires basées sur un affinement du goût ou sur des apports extérieurs)

  • Aider les touristes venant d'autres sphères culturelles à comprendre et à respecter des traditions qu'ils ne peuvent entièrement comprendre, et faciliter de cette façon les relations ultérieures entre ceux-ci et les habitants

  • Accueillir, aider et encadrer les chercheurs et les étudiants qui souhaiteraient prendre le territoire et sa communauté comme sujet d'étude, en leur imposant un partage équitable avec les porteurs locaux de savoirs

  • Garantir les droits moraux et de propriété des détenteurs légitimes du patrimoine, aussi bien matériel qu'immatériel, et plus généralement ceux de la communauté toute entière.

  • Faire participer le patrimoine et ses détenteurs à tous les programmes de développement local ou régional, ce qui suppose de la part du musée une vigilance et une présence permanentes dans tous les cercles du pouvoir et de la décision dont dépend le territoire.

 

 

La gouvernance du musée communautaire ou de l'écomusée

 

C'est un mot à la mode mais il faut l'aborder, au moins brièvement, pour souligner la nécessité d'inventer, dans chaque cas et en fonction des circonstances, une formule capable de résoudre les complexités d'une institution originale, dont il n'existe pas de modèle11 et qui doit poursuivre autant d'objectifs et de missions.

Dans tous les cas, il me semble que ce type de musée ne peut vivre et survivre s'il ne repose pas sur trois piliers plus ou moins égaux: l'institution locale administrative et politique, la communauté et ses structures actives, une équipe de professionnels et de volontaires formés et responsables. L'organisation des relations entre ces trois pôles dépendra évidemment des personnalités en présence et il y aura toujours un "porteur" plus fort et dynamique que les autres. Mais il ne devra jamais s'imposer aux autres pôles comme détenteur d'une vérité unique et d'un pouvoir exclusif.

Il reste que la place du patrimoine immatériel, de son interprétation et de son utilisation devra toujours être prise en compte: le patrimoine matériel occupe habituellement trop de place, surtout dans ses manifestations monumentales ou paysagistiques, et risque de laisser dans l'ombre l'immatériel, qui est pourtant la partie souvent la plus vivante, précieuse et parlante de l'héritage commun de la communauté. Cela impliquera sans doute de réserver une place de choix à des personnes, peut-être peu médiatiques ou peu influentes, mais qui sont ce que les japonais appellent des monuments vivants parce qu'ils savent et peuvent transmettre.

C'est ainsi que l'une des expériences les plus originales de muséologie communautaire, l'Ecomuseu – Museu Comunitário de Santa Cruz (Ville de Rio de Janeiro, Brésil) a été créé comme un outil d'animation et de diffusion du patrimoine, par le Núcleo de Orientação e Pesquisa Histórica de Santa Cruz (NOPH)12, fondé par des militants locaux en 1983. Ce musée, qui pratique surtout des programmes d'éducation patrimoniale au sein d'un quartier de plus de 200.000 habitants et qui n'a pas réellement d'espaces muséographiques ni de collections, possède un journal bimestriel "Quarteirão" qui est le reflet fidèle du patrimoine immatériel et de la mémoire de la communauté.

 

Le passage des générations

 

Un tel musée est-il durable ? Le musée traditionnel, avec ses collections permanentes et inaliénables, son personnel statutaire hautement qualifié, des missions publiques de conservation et d'éducation, est théoriquement "éternel", même si actuellement un nombre croissant de petites structures ferment leurs portes ou se posent la question de leur avenir. Ces musées coûtent cher en investissement et en fonctionnement, font appel à des techniques très sophistiquées de présentation et de communication et dépendent "politiquement" de la courbe de leurs statistiques de visiteurs.

Le musée communautaire est pauvre, dispose rarement d'un personnel salarié nombreux et hautement qualifié, dépend en grande partie de l'activité volontaire de membres de sa communauté, est souvent mal considéré par les institutions culturelles officielles13. Ses visiteurs peuvent être peu nombreux puisqu'il sert d'abord les habitants de son territoire. Mais surtout il reflète un moment de la vie sociale et culturelle de la population qui lui a donné naissance et un concept de patrimoine, matériel comme immatériel, qui est daté du moment de sa création. Il arrive souvent qu'un tel musée vive difficilement la disparition de ses fondateurs et en général de la génération de ceux-ci. La nouvelle génération active le verra d'un autre œil et pourra ne pas lui maintenir sa confiance et les moyens d'existence dont il aura quand même besoin.

Il faut bien se dire que ce musée communautaire, ou écomusée, est un outil au service du patrimoine et de la communauté, et comme tout outil il peut s'user et devenir inutile. Certains aspects immatériels disparaîtront nécessairement: un enregistrement ou la voix d'un jeune médiateur bien formé ne vaudront jamais le témoignage oral d'un mineur de fond ou d'une conteuse de village. Certains musées pourront évoluer, se transformer, modifier leur relation à la communauté, lui parler autrement, se transformer même en musées traditionnels.

Ce qui est important, c'est que le patrimoine, comme ressource pour le développement, comme facteur d'identité, comme dimension de la culture vivante de sa communauté, reste lui-même vivant et utile. Cela signifie que, pendant la durée de sa vie et à la fin de celle-ci, le musée communautaire devra toujours préparer la transmission, à l'intérieur de la communauté, du patrimoine de celle-ci et surtout de sa partie immatérielle. Il devra aussi mettre au point et communiquer à l'extérieur une image "correcte" du territoire, de la communauté et de son patrimoine, c'est-à-dire une expression élaborée avec les gens, et même formulée par eux-mêmes. Le reste est une question d'adaptation aux circonstances, lorsqu'elles se présenteront.

 

 

Conclusion

 

J'espère avoir montré que ce qui est important pour un développeur, c'est le patrimoine, et pas seulement le musée. Celui-ci, quelle que soit son appellation, est seulement un instrument local de mise en valeur (mise en scène), dont les membres de la communauté sont nécessairement les principaux acteurs, opérateurs et bénéficiaires, puisqu'ils sont à la fois détenteurs (shareholders) et usagers (stakeholders) du patrimoine.

Je voudrais en terminant souligner la coopération qui doit s'établir, à travers le musée (communautaire ou écomusée), entre l'anthropologue et l'habitant, chacun d'eux possédant une légitime expertise, scientifique pour le premier, empirique pour le second, qui doivent se compléter et s'enrichir mutuellement. Les usages de l'ethnologie coloniale ont trop souvent ramené l'habitant au rôle d'informateur exploité, sans lui reconnaître la dignité de détenteur de savoirs de créativités.

Actuellement, la notion de "capital social" a permis de regrouper sous une appellation unique l'ensemble des facteurs qui font la cohésion sociale et qui rendent possible la soutenabilité de tout processus de développement au niveau d'un territoire. L'anthropologie, en association avec la nouvelle muséologie, peut (et à mon sens devrait) faciliter le renforcement des éléments positifs et dynamiques de ce capital social, et l'élimination de ses aspects négatifs et démobilisateurs.

Cela suppose probablement que, dans le champ de l'anthropologie comme dans celui de la muséologie, du moins dans leur dimension locale, il soit fait appel non seulement à des professionnels de plus en plus hautement qualifiés, mais aussi à des volontaires issus du terrain, qui seront eux-mêmes formés et qualifiés, et occuperont des postes et des rôles de responsabilité, aux côtés des professionnels et à égalité de missions.

L'actualité des écomusées italiens, mais aussi celle des écomusées et musées communautaires dans de nombreux pays, montre qu'il est urgent de créer des programmes et des opportunités de formation de l'ensemble des responsables de ces musées, mais aussi des personnes (dont font partie les anthropologues, les agents de développement économique, les agents du tourisme, les responsables associatifs, etc.) qui sont et seront associés à la mise en valeur et à l'utilisation du patrimoine. Je prendrai comme exemples les séminaires de formation qui sont organisés depuis plusieurs années pour les musées communautaires d'Amérique Latine par le groupe des musées communautaires d'Oaxaca (Mexique)14 et le séminaire de formation écomuséologique qui va avoir lieu à la fin d'octobre 2009 à Santa Cruz (Rio de Janeiro) à l'initiative de l'association brésilienne des écomusées et musées communautaires (ABREMC). Il ne s'agit pas là d'imposer une doctrine et des règles, mais de provoquer de la part des acteurs de terrain eux-mêmes une formation réciproque, à partir de leurs contextes locaux.

 

 

Hugues de Varine

Lusigny, le 16 août 2009

2 www.maestrazgo.org/adema.htm

3 http://base.d-p-h.info/pt/fiches/premierdph/fiche-premierdph-4681.html

4 The Contribution of Social Capital in the Social Economy to Local Economic Development in Western Europe - www.malcolmread.co.uk/conscise/entry.htm

5 Le musée dit "du Quai Branly" à Paris est un bon exemple de ces institutions qui mettent en avant des concepts esthétiques profanes européens pour justifier l'appropriation d'objets à caractère majoritairement religieux provenant d'autres civilisations

6 Une antenne de l'écomusée Paysalp: www.paysalp.asso.fr/Prieure.htm#Bas

7 www.cooperative-de-beaufort.com; voir également H. de Varine (éd.), La dynamique du développement local; les choix du Beaufortain, Asdic, Ed. du Papyrus, 2006

8 Voir la fiche pratique "Le bilan patrimonial", in H. de Varine, Les racines du futur, Ed. ASDIC / Les Editions du Papyrus, 2005, p. 126-128 – Traduction italienne: Le Radici del futuro, Clueb, 2005, p. 110-113.

9 Voir en particulier le projet d'économie solidaire de Hemen-Herrikoa, www.hemen-herrikoa.org, et l'expérience coopérative de Mondragon, www.mcc.es/fra/cooperativismo/experiencia.html

 

10 La meilleure référence sur la nouvelle muséologie est un ouvrage déjà ancien, en français seulement: A. Desvallées, Vagues, Une anthologie de la Nouvelle Muséologie, Tomes 1 et 2, Presses Universitaires de Lyon, Coll. Museologia, 1992 et 1994. De nombreux exemples de terrain, récents, peuvent être trouvés sur www.interactions-online.com.

11 L'expérience a prouvé que tout modèle était voué à l'échec: Laura Gavinelli a démontré que les écomusées (dans la situation italienne) fonctionnaient sur un système de réseaux interactifs composés de personnes physiques ou morales tellement différentes qu'aucune règle ne pouvait être établie pour leur articulation et leur fonctionnement. Voir L. Gavinelli, Le territoire comme système de relations: le rôle de l'écomusée: http://www.interactions-online.com/page_news.php?id_news=358&filtre_visu=0&pr=Gavinelli

12 Association d'orientation et de recherche historique. Voir sur: www.quarteirão.com.br

13 Voir mon article "Le musée communautaire est-il hérétique ?" [28.08.2006] sur www.interactions-online.com/news.php?id_cat=

14 www.museoscomunitarios.org/hacemos.html

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16 septembre 2011 5 16 /09 /septembre /2011 14:48

Deux hypothèses, au choix

 

Depuis le début du monde, et en tout cas depuis que je suis l'actualité, toutes les fois qu'un groupe humain rencontre une difficulté, il l'appelle une crise : qu'il s'agisse d'une guerre, d'une inondation, d'une chute des cours en bourse, de l'apparition d'une nouvelle maladie, de conflits au sein d'une famille, c'est le même mot qui est employé.

Dans mon modeste domaine d'activité, en liaison avec le développement des territoires, des politiques locales du patrimoine, des institutions culturelles, on va de crise en crise : les changements d'élus,de fonctionnaires, de législation sont ressentis comme des crises. Le vieillissement des institutions et des leaders locaux, le changement des habitudes de consommation, le fléchissement des flux touristiques, la fermeture d'une usine, même un été pourri ou caniculaire sont prétextes à discours sur "la crise de...".

Or il me semble que l'humanité progresse, malgré les crises, ou peut-être grâce à ces épisodes plus ou moins difficiles à traverser, que l'on nomme crises. En réalité, le monde est en transformation constante et chaque changement, qui inquiète évidemment des populations habituées à un état de choses connu, donc rassurant.

Actuellement, constatons que la vie continue, que malgré la crise les gouvernements gouvernent, bien ou mal, les consommateurs consomment, les riches gagnent de l'argent, les classes moyennes prennent des vacances, les voitures et les camions circulent, les pauvres sont de plus en plus pauvres. Ce qui nous effraye, et que nous appelons crise, c'est que la croissance ne repart pas, que l’État voudrait cesser de s'endetter, que le prix des légumes ou du pain augmente, et tant d'autres choses qui nous semblent aggraver notre situation et compromettre l'avenir. De même le réchauffement climatique, dont chacun de nous est responsable individuellement et collectivement, serait source de crise, sinon pour aujourd'hui, du moins pour après-demain.

Tout cela me paraît normal, même si l'accélération des changements et souvent leur brutalité s'opposent à une jouissance tranquille de petits bonheurs quotidiens. Ou bien même nous privent de ce que nous avions tendance à considérer comme des "droits acquis", certaines libertés, l'ascenseur social garanti à tous, un travail à vie et un code du travail toujours plus protecteur, l'assurance généralisée à tous les accidents de la vie...

Et si, en réalité, il ne s'agissait que d'une capacité culturelle – et peut-être mentale – d'adaptation au changement. Parler de crise est une manière de reporter sur d'autres (les gouvernements, l'Europe, la mondialisation...) sur lesquels nous n'avons aucune prise la responsabilité des difficultés que nous ressentons. Je prétends que l'important est de travailler à s'adapter et à adapter notre environnement – à tous les niveaux, de l'individu à l’État – aux changements qui nous concernent.

Nous devons agir en créateurs de solutions plus qu'en militants revendicatifs, d'autant que nous sommes bien souvent plus ou moins responsables de ce qui nous arrive, ne serait-ce que par nos votes ou par nos comportements. Cela signifie changer nos propres attitudes pour mettre nos modes de vie et nos consommations à la hauteur de ce qui est possible, dans le respect de la vie en société. Cela signifie participer à toute initiative, structure, mouvement collectifs qui visent à imaginer, mettre au point, expérimenter et le cas échéant appliquer des méthodes et des actions qui améliorent cette vie en société. Cela signifie exiger des institutions publiques et privées qu'elles nous aident à nous adapter aux changements qui nous sont imposés d'en haut. Cela signifie aussi utiliser tous les moyens et toutes les occasions qui nous sont données de participer à la décision, et pas seulement par des votes périodiques, qui ne sont que des délégations aveugles de pouvoirs.

Depuis bien des années, je m'occupe de développement local et je tente de promouvoir le principe de la participation des citoyens à la vie culturelle, sociale et politique de leurs territoires. Et je crois, même je sais par expérience, qu'il est possible à chacun d'entre nous, dans un cadre collectif, de la famille, du village ou du quartier, du bureau ou de l'atelier, de l'école ou de l'association, de s'adapter positivement à tous les changements qui semblent le dépasser.


*

Nous pouvons imaginer une autre hypothèse: et si ce que nous appelons crise n'était que le commencement du renversement du sens de ce que nous avons pris l'habitude d’appeler développement, c'est à dire croissance ? Et si nos économies développées, industrialisées, avaient cessé de croître et commencé à décroître, pour longtemps sinon pour toujours ? La crise suppose qu'après un point bas tout remonte plus ou moins vite pour retrouver le sens du parcours d'avant-crise, vers le haut. Je crois qu'il y a une bonne chance (???) pour que ce ne soit plus le cas et nous ayons définitivement abandonné le dernier point haut atteint, pour commencer une descente qui permettra dans le même temps aux pays émergents et à leurs économies de croître, pour finalement nous rejoindre quelque part entre notre plus haut et leur plus bas.

Pourquoi pleurer puisque ces pays dont nous disons depuis longtemps qu'il faut les aider à se développer ne pourront de toute manière jamais rattraper notre niveau de vie actuel, sous peine de faire exploser les ressources de notre planète ?

Alors, que devons-nous faire ? essentiellement préparer nos descendants à la nécessité de s'adapter aux changements qu'ils subiront. Et surtout ne pas les laisser croire à la croissance éternelle. C'est un devoir des familles, des enseignants et des médias, même si les politiques, pour des raisons électoralistes continueront à nous mentir en nous faisant des promesses intenables.

Et aussi, dans l'immédiat, et pendant que nous en sommes encore capables, utiliser les moyens qui nous restent pour agir localement et transformer autant que possible les plans et programmes de développement économique en plans et programmes de développement social, de formation à la survie en milieu hostile, de valorisation de toutes les ressources non encore utilisées: inventer des recettes de topinambour pour les introduire dans les menus des cantines scolaires ne serait pas une mauvaise idée... Le topinambour est bio, pas cher, ne nécessite aucun soin, se reproduit tout seul.

Je ne propose pas ici de "vouloir la décroissance" comme certains idéologues le voudraient. Ce n'est pas sérieux car aucune société n'accepterait d'abandonner de gaîté de cœur ce qu'elle a péniblement gagné. Je voudrais seulement que l'on envisage d'y être contraint par des forces extérieures, donc s'y préparer autant que possible. Rien de plus, rien de moins.

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4 septembre 2011 7 04 /09 /septembre /2011 10:07

A la suite d'une rencontre de musées piémontais, les 21 et 22 mai 2011, à Pontebernardo, Valle Stura (Province de Cuneo, Piémont, Italie), j'ai essayé de faire une synthèse, très personnelle, des réflexions menées récemment dans divers pays européens, à l'occasion de ce que l'on appelle la crise économique et sociale mondiale. Ce texte est assez provocant, espérons qu'il provoquera des réactions, ou même des interactions.

 

 

Les musées locaux du futur

Réflexions

 

Un demi-siècle de changements accélérés

Commençons par un bref retour en arrière.

La période de l'après-seconde guerre mondiale a connu à la fois une accélération de l'histoire et des changements culturels, sociaux et économiques très brutaux qui ont entraîné en retour, dans les pays développés comme dans les pays dits "en voie de développement", des réactions spontanées, largement indépendantes des politiques publiques.

Parmi ces changements, qui ont été aussi souvent des ruptures, je mentionnerai, comme particulièrement significatifs, les décolonisations, la conquête des droits civiques et la résistance aux dictatures, la transformation et la désertification du monde rural, les crises industrielles successives, les migrations internes et externes et l'urbanisation incontrôlée, les révoltes de la jeunesse, la mondialisation.

Parmi les réactions émanant de la société elle-même et surtout de certaines catégories de personnes, issues principalement des nouvelles classes moyennes, on notera les manifestations conscientes ou inconscientes de nostalgie, de recherche de références et de recours au passé, considéré comme étant un ensemble de valeurs tangibles ou intangibles, c'est à dire le patrimoine, sous ses différentes formes.

Dans le même temps, s'est produite une prise de conscience de l'interdépendance entre le culturel et le naturel, entre l'être humain et son environnement, entre les exigences de consommation et les limites des ressources disponibles, qui constituent également un patrimoine, en grande partie non-renouvelable. Un paradoxe s'est révélé à cette occasion : le désir légitime de vivre mieux maintenant (la croissance) et le devoir de préserver les chances de nos descendants (la soutenabilité).

 

L'impact sur l'institution-musée

L'institution du musée, héritée d'un monde lent et relativement stable, a été tout naturellement choisie pour servir d'outil à l'identification, à la conservation et à la mise en valeur de ces différents patrimoines, aux côtés de quelques autres mesures relevant de l'autorité publique (monuments et sites classés, parcs naturels et réserves, listes du patrimoine mondial de l'Unesco). Le musée présentait l'avantage de pouvoir être créé facilement, par n'importe quel fondateur, un collectionneur, une association, un élu politique, une université. Cela a provoqué une explosion muséale à partir des années 60 et 70 du siècle passé. Ce mouvement s'est encore accéléré dans les années 80 et 90. Il y a aujourd'hui dans un pays comme la France à peu près autant de musées qu'il y en avait dans le monde entier il y a cinquante ans.

Plusieurs évènements apparemment non connectés sont intervenus en 1971 et 1972, qui ont changé le cours des choses dans le monde des musées et montré que même des professionnels réputés à juste titre "conservateurs" ou "curators" pouvaient comprendre que le monde changeait et que les modèles traditionnels ne suffisaient plus à répondre aux nouvelles attentes de la société. En l'espace de deux ans, nous avons vu :

- le mot "développement" ajouté à la définition officielle du musée de l'Icom (conférence générale de l'Icom, Grenoble, 1971)

- l'invention du mot "écomusée" pour signifier une nouvelle relation du musée à la nature et à l'environnement (1971), en préparation de la Conférence des Nations Unies à Stockholm en 1972

- la création au Creusot (1971-1972) d'un musée sans collections, appuyé sur un territoire, sur une population et sur les patrimoines locaux, une innovation destinée à devenir une référence internationale

- la Table-Ronde Unesco-Icom de Santiago du Chili, au cours de laquelle les plus grands muséologues d'Amérique Latine ont découvert la société qui les entourait et inventé le concept de "musée intégral"

Ces quatre évènements ont provoqué de façon tout à fait imprévue la naissance et l'expansion d'un mouvement appelé "Nouvelle Muséologie" qui a suscité la création d'une organisation appelée MINOM (Mouvement international pour la Nouvelle Muséologie) et la généralisation de deux termes aux définitions proches, l'écomusée et le musée communautaire. Plus généralement, il me semble que l'on peut – et que l'on devrait – distinguer les musées locaux qui ne sont pas centrés sur la conservations de collections "mortes", de ceux qui s'attachent essentiellement à une gestion participative du patrimoine communautaire et territorial. Une seconde distinction peut être faite entre les musées à finalités touristiques et ceux qui s'attachent surtout à servir d'abord la population locale. Enfin, on observe de plus en plus un critère majeur, celui de la relation entre le musée et les dynamiques locales du développement culturel, social et économique.

 

Aujourd'hui et demain : un contexte difficile

Nous assistons depuis plus de dix ans, en ce qui concerne les musées locaux, à un triple phénomène

- le vieillissement des institutions et, souvent, de leurs fondateurs,

- la rareté du volontariat et le coût croissant du fonctionnement,

- le désengagement progressif des administrations publiques.

En conséquence, dans la plupart des pays européens et même au delà[1], des musées ferment, ou vont être obligés de fermer ou prévoient de diminuer drastiquement leurs activités. Et cela alors que la création de nouveaux musées, centres d'interprétation, écomusées, centres d'art se poursuit. On peut se demander s'il ne s'agit pas d'une sorte de "bulle" qui est en train d'exploser, par analogie avec les bulles des nouvelles technologies ou de l'immobilier. Seulement, les conséquences sur le plan économique et social sont moins spectaculaires !

La crise économique mondiale, depuis 2008, a aggravé cette situation par les conséquences directes et indirectes qu'elle a sur les finances aussi bien publiques que privées, sur les fondations et sur les diverses formes de mécénat. 

Cette tendance à une désagrégation du réseau des musées locaux dans l'Europe de l'Ouest, paraît  irréversible dans de nombreux territoires. Outre les causes internes résumées ci-dessus, la pression des secteurs prioritaires, la santé, la sécurité, l'inclusion sociale, l'enfance et la dépendance du grand âge, le sport, se fait de plus en plus grande sur tous les acteurs publics comme privés et laisse peu de place à des activités considérées comme "gratuites" : elles ne sont en effet rentables ni économiquement ni électoralement. Le tourisme lui-même, qui justifie trop souvent les politiques patrimoniales publiques, privilégie les grands musées et les grands monuments ou sites, et les évènements les plus médiatiques, au détriment des institutions communautaires qui ont plutôt un rôle de proximité.

Jusqu'à maintenant, chaque musée s'est défendu seul, même si des rencontres périodiques de professionnels tiraient la sonnette d'alarme et lançaient des appels au secours. Mais ils le faisaient généralement au nom d'une argumentation de type culturel : le patrimoine est important pour l'identité des populations, les musées possèdent des collections d'une valeur scientifique exceptionnelle, ils jouent un rôle pédagogique auprès des publics scolaires, ils attirent les touristes, etc. Malheureusement, tout cela ne suffit pas à entraîner, de la part des financeurs publics ou des fondations, des choix favorables, ou des soutiens pérennes. Cela n'entraîne pas non plus une mobilisation des populations au profit de "leur" patrimoine, ou de "leur" musée.

Il me semble donc que, si nous croyons à la nécessité de politiques locales de valorisation du patrimoine et de promotion de l'institution muséale, nous devons changer d'approche et revenir à l'intuition géniale de la rencontre de Santiago, c'est à dire faire servir le patrimoine et le musée à la société et à son développement. Et le développement ici doit être compris comme l'amélioration (soutenable) de la qualité de la vie et du cadre de vie, ce qui implique la prise en compte et l'utilisation du patrimoine comme ressource du territoire et de la communauté.

 

Que faire ?

Il n'existe pas actuellement de réponse à cette question. Nous allons donc essayer d'imaginer quelques pistes, qui pourraient être discutées et explorées par des réseaux régionaux existants ou à créer, pour parvenir à des réalisations collectives concrètes et solidaires.

 

D'abord, un moratoire

La mesure la plus urgente est l'arrêt immédiat de la création de nouveaux musées. Créer un musée, c'est prendre la responsabilité de créer une institution pérenne, qui exige la mobilisation de ressources humaines et financières, indéfiniment renouvelables, qui se termine toujours par l'accumulation de collections et de documents qu'il faut gérer et conserver. Lorsque l'initiative en est prise par une personne ou un groupe de personnes (association par exemple), il arrivera un jour où les fondateurs ne seront pas remplacés, où il faudra faire appel à des financements publics, à un statut officiel de musée reconnu. Si l'initiative vient d'une municipalité ou d'une institution publique, l'arrivée d'une nouvelle équipe suite à des élections, ou un diminution des budgets annuels, ou encore le simple passage mal calculé d'une phase d'investissement aux exigences du fonctionnement normal suffiront souvent à rendre fragile, ou non-viable le musée, créé initialement dans l'enthousiasme.

Il faut donc stopper les initiatives irresponsables : si les musées d'art, d'histoire ou de sciences majeurs, situés dans des villes ou des sites importants, seront toujours viables, parce qu'ils représentent des trésors nationaux, ou même universels, qui font partie des priorités nationales, les musées locaux, quel que soit leur intérêt, n'ont pas cet avantage et peuvent facilement être négligés, fermés, détruits.

Le moratoire que je propose devrait être largement annoncé. Il serait complété par la recommandation faite à tous les amoureux du patrimoine de se regrouper autour des musées existants, et à ceux-ci de s'ouvrir à toutes les sollicitations et d'accueillir toutes les bonnes volontés.

 

Ensuite, un diagnostic

Les musées ne sont que la partie émergée et stérilisée de l'iceberg patrimonial. Les changements socio-économiques et socio-culturels, ou même les ruptures, qui les affectent ont également des conséquences sur l'ensemble des patrimoines, qu'il s'agisse des paysages, des constructions urbaines ou rurales, des traditions et des savoir-faire, des dialectes. Il me semble donc essentiel, et tout à fait urgent, de lancer, sur chaque territoire, une action d'évaluation, ou de diagnostic, de la situation du patrimoine et du ou des musées existants. Il s'agit à la fois d'un inventaire, d'un bilan des actions menées jusqu'à présent ou en cours, et d'une appréciation des opportunités et des risques pour l'avenir, proche et lointain.

Le diagnostic devra être participatif, et associer le plus grand nombre possible à la fois d'acteurs du patrimoine (propriétaires et usagers), de professionnels (muséologues, animateurs et scientifiques) et de responsables locaux (élus, associatifs, acteurs économiques). Il permettra, non seulement de faire un "état des lieux", mais aussi de connaître et de rassembler un premier groupe de personnes motivées et capables, à divers titres, de jouer un rôle dans une future stratégie patrimoniale.

Il faudra aussi confronter le diagnostic aux objectifs, aux pratiques et aux besoins du développement du territoire, afin de reconnaître les coopérations et les conflits possibles.

L'un de ses résultats pourra être d'abandonner certains musées ou certains projets, objectivement non-viables. On cherchera une ou des solutions, sans tomber dans l'acharnement thérapeutique

 

Enfin, une organisation

Chaque échelon de territoire, commune, espace intercommunal, département ou province, région, devrait se doter d'un dispositif de gouvernance du patrimoine, incluant non seulement les monuments et les sites, mais aussi tout le patrimoine diffus matériel et immatériel, les paysages et les institutions qui interviennent sur ce patrimoine (musées, bibliothèques, archives, centres culturels, parcs et réserves naturelles).

Ce dispositif doit associer étroitement, dans la conception comme dans la décision, les pouvoirs publics, la société civile et ses organisations.



[1]    Suède, Portugal, France, Italie, Japon, pour ne parler que des pays qui m'ont contacté à ce sujet.

 

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