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23 novembre 2018 5 23 /11 /novembre /2018 16:26

Je suis depuis près de cinquante ans cette question de la restitution de leurs biens culturels à des peuples auxquels ils ont été pris dans le cadre de guerres coloniales, d'abus de pouvoir ou de trafics illicites. Depuis la déclaration d'Emmanuel Macron à Ouagadougou l'année dernière, le débat en Afrique, en France et dans plusieurs pays européens a pris une actualité nouvelle. Le rapport Savoy-Sarr, à peine rendu public, fait l'objet d'un traitement médiatique considérable dont j'ai pu lire quelques articles.

J'ai déjà dit ce que je pensais de cette question de restitution, et pas seulement pour le patrimoine africain: il ne s'agit pas d'un problème culturel, mais d'un problème politique, à traiter comme tel, par la loi et la diplomatie, sans se préoccuper des frilosités institutionnelles et des arguments techniques.

Mais quelque chose me frappe encore plus ces jours-ci et je voudrais essayer de qualifier plus clairement les biens culturels concernés (qu'il s'agisse d'ailleurs de l'Afrique ou des autres pays anciennement colonisés par les puissances européennes au cours des derniers siècles).

Les termes les plus généralement employés sont ceux d’œuvre ou d’œuvre d'art. Ils sont d'ailleurs parfaitement cohérents avec tout le discours sur les "arts primitifs", avec les catalogues ou les articles relatant des expositions permanentes ou temporaires de ces objets, avec l'histoire de l'invention de l'art "nègre" par de grands artistes du début du XX° siècle ou par de grands marchands et collectionneurs.

C'est à dire que, vu d'Europe et du point de vue des détenteurs de ces biens culturels, il s'agit de rendre des œuvres d'art, considérées comme telles par les européens et qui font partie du patrimoine européen. C'est à ce titre que ces biens sont inaliénables et protégés au sein des collections des musées, ou au titre de la propriété privée chez leurs collectionneurs.

Il me semble pourtant que pour les peuples anciennement colonisés, et donc en particulier pour les Africains d'aujourd'hui, que le caractère "artistique" au sens européen de ces biens n'est pas leur premier souci. Il en va de même pour leurs caractères scientifiques (ethnologiques, archéologiques). Un trône royal, décoré ou non, est d'abord un témoin historique, un symbole de souveraineté. Un masque rituel ou une statuette de jumeau peuvent être d'abord considérés comme ayant une valeur fonctionnelle, magique, spirituelle ou affective.

La restitution de tels biens ne peut donc pas être le retour d’œuvres appartenant juridiquement à un musée européen dans un autre musée du pays d'origine qui aurait un droit supérieur conféré par l'histoire de l'art, l'archéologie ou l'ethnologie.  Car cela entraînerait immédiatement une discussion absurde sur la capacité du musée récepteur de les "conserver" dans des conditions considérées comme acceptables par le musée de départ.

C'est - ou ce devrait être - le retour à un peuple (à travers l’État-nation qui le représente) de son patrimoine qui, lui, devrait être considéré comme inaliénable. Ce que ce peuple en fera n'a pas à être discuté ou jugé selon les normes de l'ancien colonisateur et n'a pas à être considéré dans des accords bilatéraux. De toute manière, les musées européens conserveront toujours les photos, les descriptions scientifiques, les copies holographiques ou en 3D, les fiches numérisées de ces biens qu'ils auront "perdus". Et ils pourront à loisir poursuivre leurs discours esthétisants et commenter les intuitions géniales des Apollinaire ou Picasso, qui ont été une autre facette de la colonisation.

Mais j'implore les journalistes, ou du moins ceux qui rendent compte de cette question, de cesser de parler sans cesse de restituer des œuvres d'art. L'histoire et les civilisations de l'Afrique ne peuvent pas se réduire au regard unidimensionnel que les Européens portent sur elles.

 

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8 octobre 2018 1 08 /10 /octobre /2018 10:06

Dans la communauté urbaine du Creusot-Montceau, la situation du patrimoine évolue.

 

Rappel des chapitres précédents

L'écomusée était, depuis 1974, animé et administré par une association sans but lucratif qui recevait des subventions des collectivités publiques, tout en ayant un fort ancrage dans la population. A l'origine, il ne devait pas constituer de collection permanente, mais s'appuyer sur le patrimoine vivant du territoire, qu'il soit privé ou public. En réalité, au début des années 2000, l'écomusée avait fini par constituer, suite à son succès et à l'évolution du territoire (crise de la céramique et de la sidérurgie, fermeture des mines, arrivée du train à grande vitesse) une importante collection, un réseau d'antennes semi-autonomes qui avaient constitué leurs propres collections et des besoins de financement que les collectivités publiques ne pouvaient ou ne voulaient plus satisfaire.Il fut donc décidé de transférer l'écomusée et ses collections à la Communauté urbaine, qui créa à cette fin un "Service écomusée" de statut public qui reprit le personnel de l'ancien écomusée associatif sous la direction d'une conservatrice recrutée sur un appel national à candidatures. Ceci se passa en 2012.

 

Où en sommes-nous ?

Actuellement, le "service écomusée" travaille essentiellement sur la gestion des collections considérables héritées de l'association écomusée, qui sont en voie de regroupement suite à la suppression de fait des anciennes antennes. Les associations gestionnaires de ces antennes ont disparu ou affirmé leur indépendance. Plusieurs propriétés extérieures de l'ancien écomusée ont été abandonnées. Le château patronal des entreprises Perrusson à Ecuisses a été acquis et restauré pour devenir le second principal lieu d'activités de l'écomusée. Des expositions et des conférences sont organisées au siège du château de la Verrerie. Ces activités se concentrent.sur le territoire de la Communauté urbaine d'origine, soit 16 communes autour du Creusot et de Montceau. Les 18 communes, surtout rurales et agricoles, qui ont rejoint la Communauté depuis les années 1990 ne sont pas vraiment représentées dans les collections et les programmes de l'écomusée.

L'Association Ecomusée, qui a transféré progressivement tous ses biens meubles, ses collections, son personnel et ses archives à la Communauté urbaine, s'est réorganisée et a changé de nom pour devenir "Association Patrimoines de la Communauté Creusot-Montceau". Elle s'est donné pour vocation de travailler sur le patrimoine vivant du territoire des 34 communes de la Communauté, sans constituer de collections et sans faire concurrence à l'écomusée. Cependant, le vieillissement de la plupart de ses membres, l'absence de personnel permanent et de financement, l'exigence de bénévolat/volontariat pour le maintien d'une activité minimum, ne lui permettent pas de développer une activité significative. Elle cherche surtout à promouvoir auprès des associations et des élus du territoire le principe d'une gestion collective et durable du riche patrimoine vivant, naturel, culturel, matériel et immatériel, de l'ensemble de la Communauté.

Dans le même temps, le Conseil de Développement Durable (CDD), une composante structurelle et statutaire de la Communauté urbaine, s'intéresse à ce patrimoine vivant et souhaite mobiliser les élus, les associations et la population pour sa connaissance, sa protection et sa valorisation, notamment dans le cadre des politiques publiques de développement et d'aménagement urbain et rural du territoire. On peut espérer que l'association Patrimoines, que le CDD a contactée, pourra lui apporter sont expérience de près de cinquante ans, le concours de ses membres et une mise en réseau des associations patrimoniales du territoire dont une liste a été établie.

 

Et maintenant ?

Il est évident que l'écomusée, selon l'esprit qui était le sien depuis sa fondation (souci de la totalité du territoire, de son patrimoine vivant, non priorité à la collection et à son enrichissement, participation de la population à la gestion du patrimoine), n'existe plus. On constate à sa place l'existence d'un grand musée public à dominante industrielle, de dimension au moins régionale, sinon nationale, situé pour l'essentiel au Creusot. Ce serait bien et juste que l'existence de ce Musée soit reconnue de plein droit et le label écomusée abandonné.

Cette évolution, si elle se confirme, devrait être largement diffusée dans les réseaux professionnels (musées et écomusées) du monde entier. Les visiteurs français et étrangers qui viennent encore étudier le "cas" du Creusot-Montceau et de son écomusée, sur la base d'informations datant du siècle dernier,  pourraient trouver là un bon exemple de processus de  transformation d'un écomusée en musée, avec ses difficultés et ses échecs, son impact sur le territoire et sa place dans le tissu culturel et institutionnel local.

Reste à (ré)inventer une action collective de reconnaissance du patrimoine vivant qui existe sur tout ce territoire des 34 communes et qui se transforme au fil de l'évolution de la société, de l'économie, des besoins sociaux et culturels de la population. On peut souhaiter que le mouvement lancé par le CDD se concrétise sur le terrain et retrouve la dynamique que l'on avait connu dans les années 70 du siècle dernier, qui voulait faire du patrimoine un facteur de développement participatif et coopératif des communautés vivantes qui composent la Communauté politique.

 

 

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3 octobre 2018 3 03 /10 /octobre /2018 16:54

I am always fascinated by the vitality and the creativity of Italian ecomuseums and their ecomuseologists. Here are two examples.

 

1. A new Law of ecomuseums in Piemonte.

Piemonte, the great region in North-West Italy, Capital Torino, was a pioneer in the legal recognition of ecomuseums. The first regional law for ecomuseums in Italy was adopted there in 1995. After 23 years and more than one year of evaluation, debates, among all stakeholders, and particularly the ecomuseums themselves, a new law has just been promulgated, which capitalizes from the experience of dozens of ecomuseums and their territories. The result is truly amazing and presents a great progress over the first law.  Its translation is on the way, but has been delayed, so I thought important to announce it to all colleagues out of Italy who might be able to read and understand it. So here is the link for it:

http://arianna.consiglioregionale.piemonte.it/ariaint/TESTO?LAYOUT=PRESENTAZIONE&TIPODOC=LEGGI&LEGGE=13&LEGGEANNO=2018

 

2. The "Participate !" programme of Parabiago's Landscape Ecomuseum

This ecomuseum, situated in the Western outer suburbs of Milano, is famous for its innovations in community participation: interactive Mappa di Comunità, Patto del Fiume Olona, Parco dei Mulini, and many others. There is a new one, called "Participa !" or Participate !, which is calling all citizens and groups in the town to sign agreements with the Municipal Ecomuseum on initiatives aimed at preserving, improving, decorating their urban environment. The ecomuseum's website maps these agreements. Fortunately a translation of the presentation of the main characteristics of the program are available on

http://ecomuseo.comune.parabiago.mi.it/ecomuseo/partecipa_ev.html

Another document, not translated, gives the text of the municipal regulations which govern the agreement process.

http://ecomuseo.comune.parabiago.mi.it/ecomuseo/partecipa2.html

The number of agreements and of the corresponding initiatives, already realized of in progress is already considerable. I hope a detailed report will be issued soon about this process.

 

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1 octobre 2018 1 01 /10 /octobre /2018 10:57

J'ai reçu de l'IPHAN - Institut du Patrimoine Historique et Artistique National du Brésil - le texte de la circulaire (Portaria) n°137 de 2016 qui établit les lignes directrices de la politique nationale du patrimoine en matière d'éducation patrimoniale et définit les missions des Maisons du patrimoine qui en sont les outils dédiés au niveau des territoires. Ce texte me paraît tout à fait fondamental, émanant d'un pays qui a été un pionnier de l'éducation patrimoniale et qui a beaucoup expérimenté dans ce domaine, mais qui manquait d'un référentiel national. Ce document mérite d'être connu, commenté et éventuellement débattu en dehors des frontières du Brésil et je me permets de le reproduire ci-dessous en version originale et dans une traduction approximative des principales dispositions, non révisée par l'IPHAN mais qui donne, je crois, l'esprit et aussi la lettre du texte portugais.

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INSTITUTO DO PATRIMÔNIO HISTÓRICO E ARTÍSTICO NACIONAL

PORTARIA Nº 137, DE 28 DE ABRIL DE 2016

Estabelece diretrizes de Educação Patrimonial no âmbito do Iphan e das Casas do Patrimônio.

 

A PRESIDENTA DO INSTITUTO DO PATRIMÔNIO HISTÓRICO E ARTÍSTICO NACIONAL, no uso das atribuições que lhe confere o art. 22, Inciso V, anexo I, do Decreto nº 6.844, de 07 de maio de 2009 e,

CONSIDERANDO a necessidade de estabelecer marcos normativos de Educação Patrimonial - EP no âmbito do Iphan;

CONSIDERANDO, o disposto nos artigos 1º, II, 23, I e III, 24, VII, 30, IX, 215, 216 e 225 da Constituição da República Federativa do Brasil;

CONSIDERANDO o disposto no Decreto-Lei nº 25, de 30 de novembro de 1937, no Decreto-Lei no 3.866, de 29 de novembro de 1941, na Lei no 3.924, de 26 de julho de 1961 e no Decreto n°3.551, de 04 de agosto de 2000;

CONSIDERANDO o disposto no Plano Nacional de Cultura instituído pela lei 12.343 de 02 de dezembro de 2010;

CONSIDERANDO a Carta de Nova Olinda, resultante do1º Seminário de Avaliação e Planejamento das Casas do Patrimônio, realizado em Nova Olinda - CE, no período de 27 de novembro a 01 de dezembro de 2009, resolve:

Art. 1º. Instituir um conjunto de marcos referenciais para a Educação Patrimonial - EP enquanto prática transversal aos processos de preservação e valorização do patrimônio cultural no âmbito do Iphan.

Art. 2º Para os efeitos desta Portaria, entende-se por Educação Patrimonial os processos educativos formais e não formais, construídos de forma coletiva e dialógica, que têm como foco o patrimônio cultural socialmente apropriado como recurso para a compreensão sociohistórica das referências culturais, a fim de colaborar para seu reconhecimento, valorização e preservação.

Parágrafo único. Os processos educativos deverão primar pelo diálogo permanente entre os agentes sociais e pela participação efetiva das comunidades.

Art. 3º São diretrizes da Educação Patrimonial:

I - Incentivar a participação social na formulação, implementação e execução das ações educativas, de modo a estimular o protagonismo dos diferentes grupos sociais;

II - Integrar as práticas educativas ao cotidiano, associando os bens culturais aos espaços de vida das pessoas;

III - valorizar o território como espaço educativo, passível de leituras e interpretações por meio de múltiplas estratégias educacionais;

IV - Favorecer as relações de afetividade e estima inerentes à valorização e preservação do patrimônio cultural;

V - Considerar que as práticas educativas e as políticas de preservação estão inseridas num campo de conflito e negociação entre diferentes segmentos, setores e grupos sociais;

VI - Considerar a intersetorialidade das ações educativas, de modo a promover articulações das políticas de preservação e valorização do patrimônio cultural com as de cultura, turismo, meio ambiente, educação, saúde, desenvolvimento urbano e outras áreas correlatas;

VII - incentivar a associação das políticas de patrimônio cultural às ações de sustentabilidade local, regional e nacional;

VIII - considerar patrimônio cultural como tema transversal e interdiscipl i n a r.

Art. 4º São documentos referenciais para a prática de Educação Patrimonial pelo Iphan as publicações Educação Patrimonial: Histórico, conceitos e processos, IPHAN, 2014, e a publicação Educação Patrimonial: inventários participativos, IPHAN, 2016,

Art. 5º São instrumentos estratégicos de implementação da política de Educação Patrimonial pelo Iphan as Casas do Patrimônio, quando resultantes de um arranjo institucional entre o Iphan, a comunidade local, sociedade civil e demais instituições públicas e privadas, para promoção de ações educativas, visando fomentar e favorecer a construção do conhecimento e a participação social para o aperfeiçoamento da gestão, proteção, salvaguarda, valorização e usufruto do patrimônio cultural brasileiro.

Parágrafo único. A organização e o funcionamento das Casas do Patrimônio dar-se-ão por meio de parceria, a ser instituída por Acordo de Cooperação Técnica- ACT, com critérios definidos pela C E D U C / C O G E D I P / D A F.

Art. 6º São objetivos das Casas do Patrimônio:

I - Ampliar as possibilidades de diálogo entre o Iphan e a sociedade por meio da Educação Patrimonial;

II - Ampliar a capilaridade das ações do Iphan e interligar espaços que promovam práticas e atividades de natureza educativa de valorização do patrimônio cultural;

III - estimular a participação das comunidades nas discussões e propostas de redefinição do uso social dos bens culturais;

IV - Interligar experiências e espaços que promovam práticas e atividades de natureza educativa, de modo a propiciar uma avaliação conjunta dos significados e alcances dessas iniciativas;

V - Incentivar a associação das políticas de patrimônio cultural ao desenvolvimento social e econômico;

VI - Aperfeiçoar as ações focadas nas expressões culturais locais e territoriais, contribuindo para a construção de mecanismos de apoio junto às comunidades, aos produtores culturais, às associações civis, às entidades de classe, às instituições de ensino e aos setores públicos, para uma melhor compreensão das realidades locais.

Art7º Esta portaria entra em vigor na data de sua publicação.

JUREMA MACHADO

 

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Instituto do Patrimônio Histórico e Artístico Nacional do Brasil (IPHAN)

Circulaire N°137, 28 avril 2016

 

……………………..

Article 1. Il est institué un ensemble de référentiels pour l’Education Patrimoniale – EP, en tant que pratique transversale par rapport aux processus de préservation et de mise en valeur du patrimoine culturel dans le champ de responsabilité de l’IPHAN.

 

Article 2. Aux termes de la présente circulaire, on entend par Education Patrimoniale les processus éducatifs formels et non-formels, de nature collective et dialogique, qui ont comme objectif le patrimoine culturel approprié socialement comme ressource pour la compréhension socio-historique des références culturelles, en vue de collaborer à sa reconnaissance, à sa mise en valeur et à sa préservation.

Les processus éducatifs devront s’engager par un dialogue permanent entre les acteurs sociaux et par la participation effective des populations.

 

Article 3. Les lignes directrices de l’Education patrimoniale sont les suivantes :

  1. Inciter à la participation sociale dans la formulation, la mise en œuvre et l’exécution des actions éducatives, afin de stimuler la prise de responsabilité des différents groupes sociaux.
  2. Intégrer les pratiques éducatives au quotidien, associant les biens culturels aux espaces de vie des personnes.
  3. Valoriser le territoire comme espace éducatif permettant la lecture et l’interprétation au moyen de multiples stratégies éducatives.
  4. Favoriser les relations affectives et d’estime inhérentes à la mise en valeur et à la préservation du patrimoine culturel.
  5. Considérer que les pratiques éducatives et les politiques de préservation sont insérées dans un contexte de conflits et de négociations entre différents segments, secteurs et groupes sociaux.
  6. Considérer le caractère intersectoriel  des actions éducatives, de manière à promouvoir des articulations entre les politiques de préservation et de valorisation du patrimoine culturel d’une part, les politiques de la culture, du tourisme, de l’environnement, de l’éducation, de la santé, du développement urbain et d’autres domaines intéressés.
  7. Inciter à l’association des politiques du patrimoine culturel avec les actions de soutenabilité locales, régionales et nationales.
  8. Considérer le patrimoine culturel comme un thème transversal et interdisciplinaire.

 

Article 4. Documents de référence de l’IPHAN pour la pratique de l’Education Patrimoniale : Educação patrimonial, histórico, conceitos e processos, IPHAN 2014 ; Educação Patrimonial, inventários participativos, IPHAN 2016.

 

Article 5. Les Maisons du Patrimoine sont des instruments  stratégiques de mise en œuvre de la politique d’Education Patrimoniale de l’IPHAN, en tant que résultant d’un accord institutionnel entre l’IPHAN, la communauté locale, la société civile et des institutions publiques et privées, pour la promotion d’actions éducatives visant à promouvoir et à favoriser la construction de la connaissance et la participation sociale pour le perfectionnement de la gestion, de la protection, de la sauvegarde, de la mise en valeur et de l’utilisation du patrimoine culturel brésilien.

L’organisation et le fonctionnement des Maisons du Patrimoine prendront la forme d’un partenariat à instituer par un Accord de Coopération Technique – ACT, selon les critères définis par la CEDUC/COGED4P/DAF.

 

Article 6. Les objectifs des Maisons du Patrimoine sont :

  1. Accroître les possibilités de dialogue entre l’IPHAN et la société, par le moyen de l’Education Patrimoniale.
  2. Accroître la capillarité des actions de l’IPHAN et lier entre eux les espaces qui promeuvent des pratiques et des activités éducatives pour la mise en valeur du patrimoine culturel.
  3. Stimuler la participation des communautés dans les discussions et les propositions de re-définition de l’usage social des biens culturels.
  4. Mettre en réseau les expériences et les espaces qui promeuvent des pratiques et des activités  de nature éducative afin de faciliter une évaluation conjointe des enseignements et des résultats de ces initiatives.
  5. Inciter à une association entre les politiques du patrimoine culturel et le développement social et économique.
  6. Perfectionner les actions visant à l’expression des cultures locales et territoriales, en contribuant à la construction de mécanismes de soutien aux communautés, aux producteurs culturels, aux associations civiques, aux groupes sociaux, aux institutions d’enseignement et aux secteurs publics, pour une meilleure compréhension des réalités locales.

 

JUREMA MACHADO

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27 juillet 2018 5 27 /07 /juillet /2018 10:19

Je viens de recevoir un ouvrage remarquable essentiel pour tous ceux qui s'intéressent à la muséologie communautaire et à l'a véritable action communautaire an général. Cuauhtemoc Camarena et Teresa Morales, les célèbres animateurs de l'Union des musées communautaires d'Oaxaca (UMCO) au Mexique, ont publié, en 2016,

Memoria - Red de museos comunitarios de América - Experiencias de museos

comunitarios y redes nacionales

Edition UMCO, Oaxaca, 420 pages.

Il s'agit du rassemblement de documents et de témoignages sur plus de vingt ans (1993-2015) de développement des musées communautaires, dans l'Etat mexicain d'Oaxaca et dans tout le Mexique, puis dans toute l'Amérique Latine. Dans une première partie, trois musées communautaires sont décrits de façon à concrétiser des cas exemplaires. La seconde partien présente plusieurs réseaux nationaux - Mexique bien sûr, Colombie, Costa Rica, Venezuela, Nicaragua. Bien d'autres apparaissent dans le dernier chapitre du livre qui relate l'histoire de la création du réseau continental. Les musées communautaires comme les réseaux nationaux sont analysés dans leurs pratiques et leurs acquis. On peut ainsi se rendre compte de l'importance de ce puissant mouvement de reconquête du patrimoine vivant et de la culture vivante des peuples d'Amérique latine, par les communautés elles-mêmes sur leurs territoires. On y voit aussi à quel point il s'agit chaque fois d'évènements politiques, de véritables programmes d'empowerment, qui reposent sur l'initiative locale, aidée par des facilitateurs qui ne sont pas des "gens de musée", mais des acteurs et des promoteurs du développement local.

Contact: temotere@prodigy.net.mx - Site: www.museoscomunitarios.org

 

 

 

 

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23 juillet 2018 1 23 /07 /juillet /2018 15:02

J'ai suivi depuis trente ans, de loin ou de près, l'extraordinaire mouvement et les projets de l'association In Loco dans les territoires de la Serra d'Algarve, au Portugal, et plus particulièrement dans la Serra do Caldeirão. On connaît l'Algarve pour ses plages et ses résidences de tourisme, mais toute la chaîne montagneuse au nord de la bande littorale était restée largement ignorée des touristes comme des développeurs officiels. C'est un groupe de militants du développement local qui, à la fin des années 80, a obtenu l'aide de fondations et de l'Europe (notamment le programme Leader et de ses successeurs) et surtout mobilisé les énergies des habitants eux-mêmes et de leurs communautés villageoises et paysannes, pour répondre progressivement aux problèmes de développement social, économique, éducatif, environnemental et culturel de ces territoires.

Je viens de recevoir un appel à célébrer le 30° anniversaire de In Loco et surtout à préparer les nouveaux défis et les nouveaux enjeux qui se présentent. L'ancienne équipe, que je connaissais bien, menée par Prisciila Soares et Alberto Melo, a maintenant cédé la place à une nouvelle que je félicite et que je tiens à encourager dans les perspectives et dans les principes de développement qu'elle affiche dans la continuité de l'effort entrepris il y a trente ans.

Je retranscris ici intégralement le texte portugais de leur appel, car il peut donner envie d'aller plus loin, de consulter le site de In Loco et même d'aller voir sur place ce qui a été fait.

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Venham mais 30!

Desde 1988 a trabalhar para o Desenvolvimento Local e Cidadania

Neste ano em que a Associação In Loco celebra três décadas, é da mais elementar justiça fazer um agradecimento público da dedicação das muitas dezenas de colaboradores que se empenharam ao longo destes anos muito para além do seu dever, apoiando as pessoas e as comunidades locais envolvidos em processos de desenvolvimento sustentado suportado nos recursos materiais e imateriais do seu território. Este reconhecimento profundo é extensível a todas as entidades e organizações parceiras, formais e informais, desde o nível local ao internacional e sem as quais nunca teríamos conseguido concretizar a missão que nos motiva: Promover o desenvolvimento de base local com vista à melhoria da qualidade de vida nas suas múltiplas dimensões.

Para celebrar e retribuir de uma forma singela a confiança que tantas pessoas e organizações depositam em nós, iremos realizar até Agosto de 2019 um conjunto de eventos festivos por todo o território onde a Associação In loco tem uma intervenção mais intensa e próxima da comunidade. Iniciámos estas comemorações a 11 de Julho, em Silves, com a Universidade “Pensar Global Agir Local”, dedicada à produção alimentar. Siga no site www.in-loco.pt os próximos eventos, participe ativamente na sua organização e disfrute da sua realização.

Mas muito mudou nestes últimos 30 anos. Mudou a sociedade, mudaram as ferramentas, mudaram os atores locais e institucionais, mudaram as formas de organização e de intervenção. Por isso, é fundamental que a In Loco mude também, preparando-se e adaptando-se para dar pelo menos nos próximos 30 anos uma resposta ainda mais eficaz e eficiente aos desafios do passado e do futuro e a todas as oportunidades por descobrir e aprofundar. É nesse sentido que propomos implementar algumas estratégias de sustentabilidade:

  • Alargar a base de representatividade, convidando todos os que de alguma forma já foram envolvidos nas iniciativas da In Loco - e que se revêem na nossa visão de um mundo participado, solidário e sustentável - para se proporem como sócios e contribuírem com as suas ideias e energia para o aprofundamento e sustentabilidade deste projeto coletivo;

  • Disponibilizar ao exterior as competências e experiência acumuladas ao longo dos últimos 30 anos, reforçando a prestação de serviços técnicos e científicos à comunidade e às entidades em domínios como a gestão de projetos, estudos, processos participativos, turismo sustentável, dieta mediterrânica, animação local; desenvolvimento sustentável, educação e formação, intervenção social, entre outros;

  • Otimizar as instalações necessárias para uma equipa altamente profissionalizada mas de menor dimensão (20-25 colaboradores), adquirindo instalações melhor adaptadas aos requisitos atuais de espaço e recursos tecnológicos - preferencialmente no centro do Algarve - e alienando as atuais instalações do edifício-sede. Esta operação é igualmente fundamental para diminuir os custos da dependência bancária e aumentar a autonomia financeira indispensável para a realização de investimentos nos projetos nacionais e comunitários em curso ou aprovados;

  • Consolidar a dimensão regional e nacional de muitas das estratégias em curso, assumindo os papéis de mediação institucional e de dinamização de redes de cooperação, essenciais para ganhar escala, projeção e impacte;

Queremos continuar a ser uma “escola de cidadania” e uma plataforma de cooperação onde indivíduos e parceiros institucionais podem conjugar esforços para gerar sinergias e atingir resultados que superam as capacidades individuais.

Contamos contigo para os próximos 30 anos!


Pela Associação In Loco, a Direção,

Artur Gregório, Sandra Rosário, Nelson Domingues, Carla Barros, Vânia Martins

 

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Associação IN LOCO
Avenida da Liberdade, 101
8150-101 São Brás de Alportel
Portugal
Tel. 
(+351) 289 840 860 / (+351) 969 992 240
Fax. (+351) 289 840 879
http://www.in-loco.pt geral@in-loco.pt |  Registo de transparência da União Europeia nº 94248944915-04

 

 

 

 

 

 

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24 mai 2018 4 24 /05 /mai /2018 09:19

J'ai assisté hier, à Paris, à une réunion qui faisait suite aux travaux d'une commission du Ministère français de la Culture sur le musée du XXI° siècle. Car, en France comme dans de nombreux pays, on continue de se demander, entre spécialistes, ce que les musées doivent, ou devraient, faire pour s'adapter aux changements culturels qui marquent ou ne manqueront pas de marquer ce nouveau siècle, déjà bien entamé et dont nul ne sait comment il va évoluer. C'est un exercice assez fascinant.

On sait depuis les années 1970 que le musée, tel qu'il a été hérité du XIX° siècle, s'éloigne de plus en plus de son environnement social, pour se concentrer sur la conservation de ses collections et sur l'accueil de publics cultivés, scolaires et touristiques que l'on veut aussi nombreux que possible. Malgré tous les efforts et quelques exceptons remarquables, l'immense majorité des habitants des territoires qui entourent ces musées ne semblent pas concernés. Ils ne le sont d'ailleurs pas plus par les autres grandes institutions de la haute culture. La démocratisation culturelle vantée par Malraux et tant d'autres apôtres et missionnaires de la culture, ne fonctionne pas. La culture vivante des gens prend d'autres formes, privilégie d'autres pratiques, musicales, vacancières, sportives, et maintenant multimédia et numériques.

Ici, en France, les autorités ont fini par découvrir qu'il était important d'écouter, les consommateurs, les "usagers", voire même de faire participer la population. Le mot "participation" est à la mode, mais à quoi faut-il participer ? A la gestion du musée ? A celle du patrimoine ? Mais de quel patrimoine ? Celui des listes de l'UNESCO ou des inventaires officiels de monuments historiques ? Et jusqu'où ira la participation ? seulement l'écoute, ou bien la consultation, ou encore la co-décision avec les autorités et les professionnels ?

On sait qu'il existe des expériences, certaines très réussies de reconnaissance et de mise en valeur des patrimoines locaux, par, avec et pour la population locale. Elles prennent parfois le nom d'écomusées, ou bien sont relativement informelles, associatives, ou encore sont dues à des initiatives personnelles de tel conservateur de musée motivé et créatif. Du coup, on étudie ces expériences, on fait intervenir leurs auteurs, on veut en extraire des principes généraux, pour des textes fondamentaux ou pour des directives, toujours nationales.

Car on continue à vouloir adapter "le" Musée à "notre" époque, comme si un musée était autre chose qu'un outil que chacun devrait pouvoir adapter à une situation, à un contexte, à un environnement humain.

Lors de cette réunion d'hier, il m'est apparu comme une évidence aveuglante qu'il était totalement illusoire de vouloir changer l'institution-musée par une réflexion de spécialistes qui ne pourrait aboutir qu'à des changements marginaux dans la réglementation qui, du moins en France, ne sera jamais que nationale, centralisée et contrôlée.

Alors, j'ai essayé de regarder différemment la question de l'avenir d'un musée quelconque, et non pas du Musée idéal. J'ai commencé par éliminer de cette réflexion les écomusées ou assimilés qui ont une démarche propre et qu'il  faudrait, comme en Italie, détacher du monde des musées. Ils sont une sorte de tribu expérimentale, fragile, hérétique parfois, qui a sa propre logique et qui pourrait apprendre beaucoup aux musées s'ils les écoutaient,  Puis je me suis dit que tout musée, quelle que soit sa dimension, sa spécialité, son statut, ses moyens financiers, le nombre de ses visiteurs, possède trois caractéristiques:

- un lieu d'implantation situé sur un territoire plus ou moins vaste, aux caractéristiques, géographiques, démographiques, administratives que l'on peut délimiter, éventuellement selon des périmètres concentriques;

- une équipe plus ou moins qualifiée et un responsable (conservateur, curateur, directeur, etc.), qui a la responsabilité, souvent pour le compte d'une collectivité territoriale, du musée et de son activité;

- une collection, plus ou moins importante, qui est souvent le fruit d'une longue histoire et est faite d’œuvres, d'objets, de spécimens vivants ou morts; cette collection, qu'elle soit exposée ou non, suppose des mesures de classement, de conservation, d'étude dont on ne peut s'affranchir.

Une fois cette base établie, il faut bien admettre qu'il n'y a pas deux musées semblables et que l'on ne peut conseiller, encore moins imposer à tous les musées les mêmes règles et les mêmes pratiques. En effet, si le musée est d'abord un service public, son environnement immédiat, les conceptions et les choix professionnels de ses responsables, et enfin les possibilités offertes par ses collections orienteront (ou devraient orienter) les services qu'il rendra au public. Or le public ici n'est pas la somme des visiteurs effectifs ou souhaités du musée, c'est la totalité de la population du territoire qui entoure le musée, qu'elle le fréquente ou non, qu'elle soit consciente de son existence ou non.

Dans la réalité et pour aller un peu plus loin, je crois que l'on peut distinguer trois types de situation muséale en fonction des caractéristiques  ci-dessus et de leur application à la réalité du terrain:

- le musée a une collection, mais n'est pas identifié à un territoire et à son patrimoine. Il peut alors devenir une attraction touristique, ou un centre de recherches scientifiques, ou un instrument pédagogique, ou simplement le "terrain de jeux" d'une petite minorité de passionnés. Un tel musée peut être un facteur d'image à l'extérieur, de prestige pour un élu, de retour économique sur investissement.

- le musée a une collection et est totalement ou partiellement identifié à un territoire et à son patrimoine. Le problème est ici double: accessibilité réelle à la collection de la part de tous les habitants du territoire, puis relation entre le musée et sa collection d'une part et le reste du patrimoine du territoire d'autre part.

- il y a un territoire et un patrimoine, mais il n'y a pas (ou pas encore) de musée, ou bien il y a un musée qui n'a pas encore de collection significative concernant le territoire. Il s'agit dans ce cas d'inventer une institution ou une politique capables de gérer le patrimoine du territoire dans l'intérêt des habitants et avec leur participation.

Dans tous les cas, et si le service de l'intérêt du territoire et de sa population (non pas "au XXI° siècle", mais aujourd'hui, demain et peut-être encore après-demain) est au cœur de la politique du patrimoine et du musée de ce territoire, il serait utile, sinon indispensable, de procéder dès que possible à un diagnostic (ou bilan, ou audit) patrimonial du territoire, avec la collaboration de la population et de ses structures publiques et privées, sociales et culturelles. On disposerait ainsi des éléments nécessaires à l'élaboration de plans et de programmes, où le musée trouverait naturellement sa place d'outil de gestion patrimoniale et de contribution au développement social, culturel, économique et environnemental du territoire.

Certes on est loin ici du PSC réglementaire et des récolements périodiques: on ne part d'une analyse d'un bâtiment, d'une collection, d'une institution et de publics existants, mais bien d'un espace physique, de sa population dans sa diversité et d'un patrimoine global dont la collection du musée, si elle existe, n'est qu'un élément précieux mais enfermé et physiquement stérilisé. Et on fait cela avec la population elle-même.

Si on suppose que ce processus a été suivi, on aboutit à un concept de musée issu du territoire, associé totalement ou partiellement au patrimoine vivant de ce même territoire. On peut alors reformuler les différentes missions traditionnelles du musée. Dans une première approche, cela pourrait donner ceci:

- l'acquisition d'objets à conserver dans les collections permanentes serait exceptionnelle et n'interviendrait qu'en cas d'absolue nécessité et d'absence d’autre solution..On s'attacherait plutôt à un inventaire partagé du patrimoine local et à la prise de responsabilité des habitants sur ce patrimoine qui resterait vivant et soumis aux aléas de la vie collective;

- la conservation s'appliquerait aux biens considérés par la population, aidée des spécialistes du musée, comme d'une particulière signification pour elle et pour le territoire; elle accompagnerait la vie du bien culturel ou naturel et ses éventuelles transformations d'usage; les biens immatériels seraient également protégés mais aussi susceptibles d'usages nouveaux et de transformations liées à la vie et à la créativité de la communauté.

- la recherche sur le patrimoine (et les collections qui en font partie) serait menée conjointement par des spécialistes des disciplines scientifiques et techniques concernées et par des habitants porteurs de mémoires, de savoirs et de compétences d'usage. Les résultats en seraient restitués à l'ensemble de la population.

- l'action éducative et culturelle s'adresserait à l'ensemble de la population et porterait surtout sur le patrimoine vivant du territoire, la collection propre du musée servant de matériau disponible en permanence pour des actions pédagogiques, ludiques, interactives, ou pour des manifestations (expositions par exemple, reproductions en 2 ou 3D) destinées à la population ou à des visiteurs extérieurs.

- la notion de public, ou d'usagers, ne s'appliquerait plus aux seuls visiteurs de l'espace physique du musée ou de ses activités même lorsqu'elles sont réalisées à l'extérieur de ses murs. En tant qu'institution publique, le musée s'adresserait à la population dans son ensemble, qu'elle soit intéressée ou pas, et à des visiteurs venus d’ailleurs (touristes, chercheurs). Il serait reconnu en particulier que chaque habitant, qu'il en soit conscient ou non, est à la fois un propriétaire (moral et culturel) et un usager de son patrimoine comme de son territoire.

Reste à discuter de la gouvernance du patrimoine et du musée. Je ne crois pas qu'il soit possible de donner une réponse unique à cette question, qui doit être résolue en fonction des particularités de chaque territoire, de son contexte politique et social, du caractère du professionnel responsable, de la mobilisation de la population et de ses corps intermédiaires, etc. On cherchera seulement à mettre le plus possible la population en situation de responsabilité effective dans les programmes de gestion et d'animation du patrimoine, donc du musée.

Le professionnel de musée (et du patrimoine en général) est au service de la population, il est un facilitateur de l'implication effective des citoyens dans la gestion de leur patrimoine. Il n'est pas au service d'une collection, si prestigieuse soit-elle ou d'une idée générale comme la Science, la Connaissance ou la Culture. L'alternative existe, il faut le dire car elle n'est pas critiquable en soi: c'est le musée comme lieu dédié au tourisme, sous toutes ses formes. Mais c'est une toute autre démarche. Je crois vraiment que ce qui est le plus important pour notre génération et les générations à venir est d'inventer chaque musée sur son territoire, avec la population qui doit en être à la fois acteur et bénéficiaire

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31 mars 2018 6 31 /03 /mars /2018 11:11

Les écomusées, et en général tous les musées qui ne mettent pas la collection au centre de leur projet car ils s'intéressent plus au patrimoine vivant, à la communauté et au territoire, connaissent le problème: dans la plupart des pays, la reconnaissance légale et professionnelle du musée suppose l'existence d'une collection et d'activités de collecte, d'étude, de conservation et de présentation de cette collection. Comme me le disait publiquement le directeur des musées de France, en 1972, à Dijon, alors que je présentais le projet de "Musée de l'homme et de l'industrie" du Creusot, qui affichait alors son refus de toute collection, s'appuyant essentiellement sur le patrimoine existant sur le territoire: "un musée sans collection n'est pas un musée". En France, la loi impose à tout musée qui souhaite obtenir le label "Musée de France", la rédaction d'un "Programme scientifique et culturel" (PSC) essentiellement consacré à la description de la collection et de son utilisation. Un véritable écomusée ne peut répondre à cette exigence que par des contorsions littéraires.

Or l'Ecomusée du Fier Monde, à Montréal, a décidé depuis quelques années d'explorer, dans la théorie mais surtout dans la pratique, un nouveau concept: la collection écomuséale. Il s'agit de constituer, avec la population du territoire (le quartier Centre-Sud de Montréal), une liste de sites, de bâtiments, d'objets, de traditions, de savoirs considérés par cette population comme faisant partie de son patrimoine et qui seront placés, in situ, sous la responsabilité conjointe des habitants et de l'écomusée. On ne se préoccupe pas de leur conservation ou de leur restauration au sens physique de ces termes, mais de ce que l'on pourrait appeler un "soin", qui comprend l'étude, la mise en valeur, la vigilance sur leur usage et leur éventuelle transformation. Des contrats écrits sont passés pour concrétiser la collaboration entre l'écomusée et des habitants ou des groupes responsables au sein de la communauté. http://ecomusee.qc.ca/collections/definition-des-collections/

Cette idée a été reprise par l'écomusée de Fresnes (ou du Val de Bièvre), près de Paris, qui a commencé à appeler la population à apporter au musée, pour identification, étude et reconnaissance d'intérêt patrimonial, des objets porteurs de signification pour le territoire de la ville de Bièvre, son histoire, sa population, sa vie culturelle et sociale. Les objets sont ensuite restitués à leurs propriétaires, après signature d'un engagement conjoint d'en prendre soin, de les transmettre et de les rendre disponibles au cas où l'écomusée en aurait besoin pour une recherche, une exposition ou une autre activité. Ce projet commencé en 2017 a été placé sous le regard d'un comité de validation composé de membres de la communauté et d'experts.

Une remarquable exposition des objets ainsi "collectés" vient d'être inaugurée à Fresnes le 21 mars, accompagnée de visites de terrain et de rencontres et conférences entre l'écomusée, la société des Amis de celui-ci qui est très active et entreprenante, et une délégation de l'Ecomusée du Fier Monde, qui est aussi représenté dans l'exposition. Chaque objet de la collection écomuséale de Fresnes est présenté isolément, avec l'explication de son choix par la personne qui l'a proposé, le "désignateur", et des documents divers qui en restituent le sens dans le contexte local et historique.

Actuellement, l'écomusée de Fresnes se limite aux objets, mais la collection écomuséale pourra sans doute s'étendre plus tard à des édifices significatifs, à des sites et à des éléments immatériels, comme à Montréal.

Il faut enfin signaler qu'un troisième écomusée a adopté le principe de la collection écomuséale: il s'agit de l'Ecomuseo delle Acque di Gemona, dans le Frioul, en Italie: http://www.ecomuseodelleacque.it/visita-lecomuseo/collezione-ecomuseale/  Il devrait rejoindre bientôt les deux écomusées de Montréal et de Fresnes, pour approfondir le concept et la pratique de ce qui pourrait devenir une des  caractéristiques les plus significatives de l'écomuséologie.

 

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13 mars 2018 2 13 /03 /mars /2018 09:18

I have read recently a number of press articles sent by friends, especially by Kwame Opoku, who is as always watching intently the consequences of the declarations made in Ouagadougou by President Macron on the subject of restitution of African treasures by French (and hopefully European) museums.

The last such articles was https://frieze.com/article/fraught-future-ethnographic-museum and it led me to the following comments which might stir some more discussions and keep the ball rolling on a very important subject:

This article is interesting, but it is misleading: the author writes about ethnography museums by using as an example the Musée du Quai Branly which is essentially an art museum. Ethnography is not art history. Ethnography is a scientific discipline created by Europeans in colonial times to study civilizations in colonized countries. It was later extended to European populations, including industrial societies. Art history is another discipline based on European aesthetic standards and tastes which has "discovered" "primitive arts" and "African art", thanks to the private tastes of famous artists, rich collectors, galerists and cultural gurus like Malraux. Being unable to understand "primitive" values and historical significance of their heritage, they invented this new art field which became a flourishing market.

A problem which is not mentioned in the article is that many ethnography museums have been influenced by the glamour of pan-European art, the success (in statistical terms) of great exhibitions and the constant pressure on their directors to make the attendance grow, have  treated the "best" objects of their collections as works of art, and not as items of exceptional ethnographic, historic or cultural value.

Another point which should be stressed is that Africa, like all other continents, has now and has had for decades excellent ethnographers/ethnologists, archaeologists and historians, many of whom have been trained in museology and museography. I have known the IFAN in Dakar when its scientific responsibility and administrative management were transferred to African professionals/It was about 50 years ago. Ekpo Eyo from Nigeria and Richard Nunoo from Ghana have been most respected museum leaders at that same period. They were able to discuss ad equals with Robert Gessain from the Musée de l'Homme and with Bernard Fagg from the Pitt Rivers.

I don't think the real problem is ethnography museums, it is the art museums world, and the market which is also art oriented. The Benin bronzes or the Abomey treasure would be easier to repatriate if they were exhibited as a proud military loot, in a museum which would be dedicated to the glories of colonial history. Then the change (inversion) in human and political values would quickly lead to the closing of such museums and the restitution of their collections to the now-independant countries. But these same objects are called pure works of art which can be presented and appreciated only in Euro-American museums and exhibitions (and be valued by the media in dollars or euros)..

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6 février 2018 2 06 /02 /février /2018 10:20

Aux temps déjà lointains où le Centre de documentation muséographique Unesco-Icom, sans informatique et sans internet, rassemblait et faisait circuler l'information sur tous les musées du monde et leurs activités, c'est à dire vers 1965, il y a donc plus de cinquante ans, la première génération de documentalistes menée par Yvonne Oddon fut remplacée par une nouvelle équipe sous la direction de Paulette Olcina.

Paulette est morte le 25 décembre 2017 à l’âge de 93 ans. Elle avait dirigé le centre pendant 20 ans, de 1965 à 1985. Elle n'était à l'origine ni documentaliste, ni muséologue, mais traductrice. Elle apprit ce nouveau métier, prit la succession d'Yvonne Oddon et devint vite la référence internationale pour la documentation des musées.

Témoin de l'explosion du nombre des musées et de l'essor de l'ICOM, en particulier dans les pays dits alors "du Tiers-Monde" puis "en voie de développement", elle présida notamment à la modernisation des moyens techniques du centre.

Elle eut ensuite à adapter le centre à l'informatique. L’équipe du Centre reçut l’aide très efficace de la Bibliothèque de l’Unesco et de la revue Museum pour mettre au point à partir de l’indexation « artisanale » par indices chiffrés, des mots-clés, puis un thésaurus adapté à l’informatisation et donc à l’échange de données entre bases de données nationales et internationales en voie de constitution.

En parallèle du travail de compilation de législations nationales pour la protection des biens culturels et pour lutter contre le trafic illicite de ces biens, elle introduisit les microfiches pour traiter la documentation recueillie.

Poursuivant le travail d’Yvonne Oddon, créatrice du Comité international pour la documentation (CIDOC) dans les premières années de l’ICOM, elle devint Secrétaire de ce comité, sous la présidence de Geoffrey Lewis, son président.

Parmi les publications de ce comité, elle eut à cœur de poursuivre la publication de la Bibliographie muséologique internationale, sous l’égide du Cabinet de muséologie de Prague, dirigé par Vaclav Pubal. Véritable travail international, par la participation active de collaborateurs de Pologne, URSS, République démocratique allemande, Yougoslavie, Royaume-Uni, etc.

Le Centre, riche de la documentation reçue des membres de l’ICOM et de ses nombreux utilisateurs, contribua, par l’accueil de stagiaires, à la formation d’étudiants en documentation ou de jeunes professionnels déjà en poste. Ils étaient originaires du Canada, de Catalogne, du Mexique, de plusieurs pays d’Afrique…

En 1973, lors de la crise financière qui obligea l'ICOM à réduire drastiquement son personnel, Paulette accepta d'assumer l'essentiel des fonctions de direction de l'ICOM en plus de sa tâche de responsable du centre de documentation.

Elle fit tout cela avec une grande discrétion, mais avec énergie et rigueur, humour et sens du travail collectif, au sein de son équipe comme avec le secrétariat de l'ICOM.

Ses anciens collègues, devenus ses amis au fil des années, veulent dire tout ce qu'ils lui doivent et marquer la place qu'elle a tenue dans l'histoire de l'ICOM et le rôle qu'elle a joué dans les relations et la coopération entre les musées du monde entier. La profession muséale lui doit beaucoup. Merci Paulette.

 

Paris, 5 février 2018

Hugues de Varine, directeur de l'ICOM de 1965 à 1974

Anne Raffin, adjointe de Paulette Olcina au Centre de Documentation

Elisabeth Jani, documentaliste au secrétariat de l'ICOM

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