Novembre 2022. Je retrouve dans mes brouillons ce petit texte que je n'avais pas envoyé en février dernier. Mais comme le sujet reparaît actuellement, je le publie, à tout hasard.
La presse nous raconte, depuis quelque temps, des histoires de conflits locaux, en Serbie ou au Portugal, sur des projets de mines de lithium dans des espaces agricoles ou naturels protégés. Au Portugal, il s'agit de Covas do Barroso, un espace du nord du pays où je suis intervenu sur la création d'un écomusée, mais il y a d'autres sites, comme celui de Argemela à Fundão, que je connais personnellement.
C'est un problème très intéressant, plus que bien des cas apparemment semblables, comme celui de Notre-Dame des Landes en France il y a quelques années. Sur l'extraction de minerais contenant du lithium, on se trouve devant un choix impossible entre deux positions:
- les agriculteurs défendent leur cadre de vie, leur activité professionnelle, leur patrimoine, tandis que les militants de l'environnement et les spécialistes de la soutenabilité du développement veulent sauvegarder l'avenir du paysage, la bio-diversité, et lutter contre toutes les sources de pollution...
- les sociétés minières, beaucoup d'élus locaux, les responsables régionaux et gouvernementaux du développement économique et de la transition énergétique ont un besoin vital de lithium pour assurer à la fois la production de véhicules électriques et d'outils numériques divers, tous indispensables aujourd’hui, et assurer une souveraineté industrielle menacée par un déséquilibre dans la répartition des sources d'approvisionnement.
Que penser ? Que décider ?
Sanctuariser le territoire, c'est garantir la continuité de l'évolution naturelle de la nature et de la vie, transmettre un espace que l'on a reçu et entretenu, en tant que "bien commun" de la communauté et de l'humanité, alors que l'on sait ce que l'activité humaine a causé de dommages irréversibles à la planète.
Utiliser une ressource minérale cachée, actuellement irremplaçable, pour rendre possible le passage de la voiture thermique à la voiture électrique, c'est contribuer à la décarbonation des moyens de transport, ce qui est un objectif majeur de la communauté internationale, qui impactera chacun d'entre nous.
Peut-on prendre une décision d’exploitation irréversible pour un résultat à court terme, alors qu'il sera peut-être un jour découvert un substitut au lithium ?
La détermination d'une petite population, éloignée des centres de décision et de faible poids électoral, peut-elle raisonnablement contrebalancer des intérêts politiques et économiques au niveau national et international ?
La récolte annuelle de quelques dizaines d'hectares agricoles est-elle équivalente à quelques milliers de voitures "propres" chaque année ? Mais avons-nous réellement besoin de ces voitures ? et de voitures aussi remplies d’appareils numériques fonctionnant avec du lithium ?
Un pays comme le Portugal, ou peut-être la Serbie, peut-il laisser passer une telle chance pour son avenir ? Et le territoire du Barroso (comme celui de la Cova da Beira), en perte de population et de jeunesse, peut-il négliger les milliers d'emplois directs et indirects résultant de l’exploitation minière ?
La décision est à prendre maintenant, mais, quelle qu'elle soit, elle aura des conséquences dans le très long terme.
Je n'arrive pas à choisir le parti qui me satisferait. Est-ce une forme de roulette russe ? Heureusement que je n'ai pas à donner mon avis, ni localement, ni nationalement. Mais la démocratie est-elle capable de traiter de ces enjeux ? Et où se situe la participation des citoyens au développement de leur territoorie ?
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